Olga
et Pierre REZE (Photo P. REZE)
Ce beau dimanche de juin 1944, il est 18 heures.
Deux jeunes fiancés, Pierre Rézé,
professeur au pensionnat St-Magloire et Olga Lainé,
regagnent à pied Dol après une journée
que nous avions passé, Olga et moi, sur la butte du
Tuly, près de la Ville Joie au Tronchet. C'est
là que ses parents avaient "évacué"
comme on disait à l'époque. En effet, depuis
le début du mois, les bombardements et mitraillages
de la gare de Dol étaient fréquents et si
imprécis, que beaucoup de dolois avaient
préféré s'installer à campagne.
En fin d'après-midi, nous reprenons la route de Dol
à pied comme à l'aller. Pas question de
circuler à bicyclette d'abord parce que nos pneus,
sont en très mauvais état et qu'il est
très difficile de s'en procurer,et parce que les
soldats allemands "piquent" les vélos. Ils sentent
que la fin est proche et il sera plus facile pour eux de se
sauver à vélo qu'à pied. Les polonais
ont déjà utilisé ce stratagème,
quatre plus tôt ...
Nous pressons le pas afin d'être à Dol
avant l'heure du couvre-feu à 21 h.(heure allemande!.
Arrivés près de l'étang du Pommelet,
nous sommes survolés par une escadrille de
chasseurs-bombardiers américains (je sus quelques
jours plus tard que c'étaient des Mustang,
instinctivement, nous nous jetons dans le fossé. De
retour de mission sans doute ces avions se dirigent vers la
côte. Encore un vrombissement, mais cette fois avec
des ratés. Un avion passe alors au-dessus de nos
têtes en lâchant un filet de fumée
noirâtre. Il a été touché par la
D.C.A. probablement. Il perd progressivement de l'altitude.
Nous apercevons deux petits points noirs? qui se
détache de l'appareil et tout de suite après
deux parachutes s'ouvrent. L'appareil accomplit deux ou
trois tours sur lui même puis s'abat dans les champs
à quelques centaines de mètres de nous.
Aussitôt des explosions se font entendre et un
grand panache de fumée noire s'élève
dans le ciel. Mus par notre curiosité, puis nous
mettons à courir en direction du point de chute de
l'avion. Pendant notre course nous suivons des yeux la
descente des parachutes. L'un est tout blanc et l'autre, de
couleur orangé, il descend beaucoup plus vite. C'est
peut être le parachute du siège
éjectable ?.
Nous avions mal évalué la distance
à parcourir et nous mettons pas mal de temps à
arriver sur les lieux de "l'accident". Les allemands qui
sont venus en camion sont déjà là. Il
s'agit pour eux de capturer le pilote au plus vite afin
d'empêcher la population de le camoufler car dans ce
cas il serait réutilisé contre eux un jour ou
l'autre. La guerre n'étant pas finie...
Nous buttons sur un groupe de curieux, des femmes et
des enfants surtout, contenus à grand peine par des
soldats allemands mitraillettes à la main. Impossible
d'apercevoir les débris fumants de l'avion. Les
allemands crient des "raus! raus!" et nous font reculer. Et
le ou les pilotes dans tout cela? Je demande à l'une
des femmes présentés si elle a vu atterrir un
parachutiste. "Dame oui ! me dit-elle. Il est tombé
par là! ".
La direction qu'elle m'indique fait un angle droit
avec celle du point de chute de 1'avion. Pour l'instant, il
n'y a pas d'allemands dans la zone indiquée. Il faut
aller voir ! A peine ai-je parcouru quelques dizaines de
mètres que j'aperçois une ombre fugitive, le
long d'une haie, à cent mètres à peine.
C'est sûrement le pilote ! Je reviens chercher Olga et
nous nous dirigeons vers cette haie. Les allemands crient de
plus en plus fort. Depuis le débarquement en
Normandie, ils sont de plus en plus hargneux et il ne fait
bon les provoquer. Jamais la chasse aux réfractaires
et maquisards et autres "terroristes" comme ils disent, n'a
été aussi féroce. Personnellement,
n'étant pas en règle avec le S.T.O., je ne
tiens à tomber dans leur pattes.
Nous voici près de la haie ... Pas de parachute
ni d'aviateur ! J'ai dû avoir une vision tout à
l'heure ! Sur le point de repartir, nous entendons "Hello!
Hello !" tout près de nous. Nous ne voyons toujours
rien. C'est alors que les ronces recouvrant le fossé
s'écartent et qu'une tête ronde casquée
apparaît. C'est lui ! Pas question de s'approcher car
les sentinelles allemandes que nous venons de quitter nous
aperçoivent. Il s'agit de ne pas attirer leur
attention! alors, je prends Olga par la taille et dans cette
pose romantique je m'adresse au pilote en anglais bien
entendu !
Ma première question est de lui demander s'il
est américain. Sa réponse affirmative me
remplit de joie et d'émotion ! Pensez donc !
Rencontrer son premier américain dans un tel lieu et
dans de telles circonstances ! C'est merveilleux, non ?
Seulement voilà, les boches ratissent le secteur et
ils finiront bien par le trouver. Heureusement, il semble
qu'ils n'aient pas de chiens policiers ! Bon ! La
première chose à faire, c'est d'aller lui
cherche des vêtements civils. Je lui dis ce que nous
allons faire et lui demande de se faire le plus petit
possible dans sa cachette, au fond d'un épais roncier
recouvrant le fossé ...
Nous sommes complètement
désorientés. Ah! une ferme à quelques
centaines de mètres. En route nous nous tenons
toujours par la taille tant que nous sommes visibles par les
allemands. Et nous revoilà sur la route de Dol au
Tronchet que nous avions quittée une demi-heure plus
tôt. Là encore, un attroupement. Je demande le
propriétaire de la ferme. "Vous l'avez trouvé
?" me demande une femme. C'est justement la
propriétaire. Je suis bien forcé de lui dire
que nous avons effectivement trouvé
"l'américain" et qu'il nous faut des vêtements
tout de suite.
"J'vas vous donner un bleu au patron !" Nous fourrons
dans le cabas d'Olga un pantalon et un bleu de travail.
Pendant ce temps, des allemands sont arrivés et
questionnent les curieux. Pour les éviter, nous
sommes obligés de faire tout un détour et nous
mettrons plus d'un quart d'heure pour arriver au but, jouant
à cache-cache avec eux.
Alerte ! deux soldats marchent le long du fossé
et s'approchent de la cachette. Heureusement, ils ne
remarquent rien et continuent leurs recherches. J'imagine
que le coeur de notre américain a dû battre la
chamade ! L'alerte passée, Olga lui donne le paquet
de vêtements pendant que je fais le guet. Elle lui
conseille de ne pas bouger de là. Nous viendrons le
chercher quand la nuit sera tombée ou avant, dans le
cas improbable où les allemands quittent les lieux
avant la nuit
.
Quant à nous, nous revenons près de la
ferme sur la route de Dol. Pas de chance ! Une auto amphibie
allemande s'arrête près de nous. Deux officiers
en descendent et l'un d'eux nous interpelle. Pas question de
s'esquiver.
Tout de suite cette question : "Vous avoir vu avion
tomber? -oui- et pilote aussi ? - oui - Dans quelle
direction ? par là - (nous croyons bien faire en
indiquant une fausse direction) -Vous mentir ! Moi avoir vu
tomber par là ! Pourquoi vous mentir ? Montrez
papiers ". Il nous fallut expliquer notre présence en
ces lieux et puisque nos "aussweis" (laissez-passer)
précisaient que nous résidions à Dol,
nous fûmes instamment priés de regagner notre
port d'attache le plus vite possible. D'ailleurs, à
l'heure du couvre-feu approchait. Nous nous en tirions
à bon compte, surtout moi qui suis en situation
irrégulière. C'est très bien de partir
pour Dol, mais que va devenir notre américain ?
Pas question de l'abandonner ! Il faut trouver une
solution. Nous n'avons pas le choix ! Parmi les badauds se
trouvait un dolois, père de famille nombreuse et
demeurant dons la rue Ceinte, juste à coté de
la villa où j'avais ma chambre. Nous le retrouvons et
lui demandons s'il peut s'acquitter de la mission que nous
ne pouvons plus remplir. Bien sûr qu'il peut ! Il est
justement venu passer le dimanche avec des copains tout
près d'ici et ne repartira à Dol que le
lendemain. Et puis c'est quelqu'un qui n'a pas froid aux
yeux. Je ne me doutais pas que ce que je lui demandais
serait la cause de sa mort quelques jours plus tard !
Nous lui indiquons où se trouve la cachette de
l'aviateur et nous reprenons la route de Dol. Nous n'avons
oublié qu'une chose et d'importance, c'est de lui
demander où il conduirait 1'aviateur, dans le cas,
bien sûr ; où sa mission réussisse !
Jamais le chemin de Bénouis à Dol ne nous
parut aussi court. Bien que fatigué, je ne dormis
guère cette nuit-là ! Où allons-nous
cacher le pilote si toutefois nous le retrouvons ? Et au
fait, pourquoi pas dans cette grande villa qui m'abrite et
lui n'est occupée qui par son propriétaire, un
vieux prêtre retiré du ministère et moi.
Qui pourra deviner qu'un américain se cache dans la
demeure d'un cieux curé ? Oui, c'est la solution
idéale! Je la soumettrai à mon hôte
dés que j'aurais "récupéré"
l'aviateur ...
Dès le couvre-feu levé, je passe prendre
Olga, rue des Ponts et en route pour Bénouis ! Il
pleut, ce qui retarde notre marche. De plus, nous sommes mal
chaussés (les bonnes chaussures ne courent pas les
rues!). Nous allons tout droit à la cachette. Ouf !
elle est vide ! Pourvu que tout se soit bien passé !
Près des restes de l'avion il y a encore deux
sentinelles allemandes. Sans doute craignent-ils que les
appareils qui n'ont pas brûlé soient
dérobés ? La pluie tombe à torrents et
nous sommes trempés comme des soupes ! Il s'agit
maintenant de mettre la main sur notre dolois et par suite
de l'américain ! Alors, nous faisons du porte
à porte en partant du café de Bénouis.
Mais les paysans sont méfiants d'autant plus qu'ils
ne nous connaissent pas et pas les temps qui courent il
n'est pas prudent de raconter sa vie à tout le monde
! Enfin, après deux heures de recherches de ferme en
ferme, nous découvrons notre "pigeon voyageur" chez
des braves gens, au Bois Quinou. Tout heureux de nous
revoir, il nous saute au cou. Il va enfin pouvoir
communiquer ! Il nous fait le récit de sa nuit.
L'enlèvement de la cachette s'est très bien
passé malgré la présence des boches.
Par contre, on ne peut pas en dire autant des conditions de
son premier hébergement sur le sol français !
Notre "déménageur" l'a emmené dans la
grange où sont réfugiés ses copains.
Elle n'a rien d'un hôtel "quatre étoiles" ! Des
outils partout,des tonneaux de cidre,de la paille
étalée en guise de lits ...
On fait la cuisine dehors ! A la guerre comme à
la guerre ! Notre protégé (nous savons
maintenant qu'il s'appelle James Glynn et qu'il est
originaire de Los Angeles, il a couché dans paille
pour la première fois de sa vie certainement. Et il
n'a pas bien digéré son premier repas
français : de la saucisse grillée (bien
grasse) arrosée d'un cidre sec comme un coup de
trique ! Les hôtes ont, de plus, une drôle, de
dégaine. Il y a même parmi eux un F.T.P. d'un
maquis voisin armé d'une pétoire !
Heureusement que des voisins. qui se sont rendus compte de
sa détresse ils ont pu l'emmener chez eux au petit
matin et lui donner un copieux petit déjeuner
!...
Il faut absolument l'enlever de là d'autant
qu'il y 'a encore des allemands dans le secteur et que dans
quelques heures, tous les villages environnants seront au
courant de sa présence. Nous prenons la
décision de retourner à Dol. Nous reviendrons
chercher Jimmy dès que nous aurons trouvé une
"planque" sûre. Tout le long du chemin nous
envisageons plusieurs solutions mais revenons toujours
à celle qui a ma préférence : le
camoufler dans la villa où j'ai ma chambre. Nous
fonçons donc vers la rue Ceinte racontons notre
odyssée à notre bon vieux curé qui n'en
croit pas ses oreilles et, pour finir, nous lui exposons
naïvement notre "solution". Alors là, notre
auditeur ne sourit plus ! "Ici ? Pensez-vous ! y a trop
d'allemands dans le coin, la caserne, kommandantur... Il ne
serait pas en sécurité ! "... C'est un refrain
que nous allons entendre trois fois en deux jours ! " Je
connais un patriote qui se fera une joie de
l'héberger. Je vais de ce pas le contacter et reviens
dans quelques minutes !
"Au retour, 1'abbé a le sourire. L'ami
"patriote" à consenti à recevoir Jimmy et nous
devons le lui "remettre" à 20 h 30, la solution que
j'avais envisagée ce qui me déçoit un
peu mais nous n'avons pas le choix ! Nous reprenons la route
du Bois Quinou. La pluie n'a cessé de tomber ...
Hélas ! Jimmy n'est plus là où nous
l'avions laissé ! Ses premiers "sauveteurs" l'ont
remmené dans leur grange. Jimmy a de nouveau l'air
catastrophé ! C'est alors que commence la partie la
dure de notre "mission" : arracher Jimmy des griffes de ses
"protecteurs", courageux certes mais aussi imprudents et
sans projet précis. Il nous a fallu parlementer une
bonne demi-heure pour arriver à les persuader que
notre solution offrait pour Jimmy les meilleures garanties
de sécurité... Enfin, ça y est....
Nous voici tous les trois en route pour Dol. Nous
avançons prudemment, prêts à foncer
derrière une haie si un véhicule ou une
patrouille allemandes apparaissent. Avant de partir, nous
avons fait la leçon à Jim. Malheureusement, il
n'a aucun papier d'identité. Alors, pas question de
se fourrer dans les pattes des boches ! Ils auraient vite
fait de l'identifier sans avoir besoin de lui demander ses
papiers. Il sent l'anglo-américain à plein nez
! avec son tabac blond ! Avec son béret basque et son
bleu de travail, on sent le déguisement !
Nous l'avons délesté de sa minuscule
boussole à peine plus grande que l'ongle du petit
doigt et de ses cartes imprimées sur des
carrés de tissu format pochettes. Par contre, nous
lui avons laissé quelques faux billets
français. Quant au reste de son équipement, il
est entre les mains de ses premier sauveteurs ...
(Photo coll P. REZE)
Alerte ! A l'entrée du bourg de Baguer-Morvan
nous entendons des coups de feu. Ce sont des allemands qui
s'entraînent. Il faut éviter le village en
coupant à travers champs. J'ai passé mon
imperméable à Jim et je suis trempé
jusqu'aux os. Nous parvenons à la voie de chemin de
fer de Rennes à Dol que nous suivons jusqu'à
sa jonction avec celle de Dinan. Nous retombons sur la route
de Bonnemain et entrons à Dol par l'abbaye. Comme
nous avons un bonne demi-heure d'avance sur l'heure du
rendez-vous, nous faisons une court halte rue des Ponts chez
Olga. Son père est là et va chercher dans sa
cave une bonne bouteille. Mais le gros du travail reste
à faire : se rendre de la rue des Ponts jusqu'au
Boulevard Planson où Jim est attendu, du moins, je
l'espère ! Plus question de se cacher derrière
une haie si nous rencontrons des boches ! Quelle va
être la réaction de Jim quand il va voir de
près son premier ennemi ? Finalement tout se passe
bien. Des allemands, nous en rencontrons plus que
prévu mais Jim ne bronche pas. Nous sommes accueillis
par le percepteur et sa femme assistés d'un docteur
voisin accompagné lui aussi de sa femme. La table est
mise et il semble que l'on doive festoyer. Mais je ne suis
pas invité au repas.
Il est vrai que l'heure du couvre-feu est proche et il
faut que je me hâte pour regagner ma chambre. Avant
que je parte, on m'a délicatement prévenu
qu'il faut que je revienne demain matin reprendre Jim pour
le conduire dans une propriété à la
sortie de Dol où il sera plus en
sécurité. Et de deux ! Comme convenu, le
lendemain matin, à 6 h 30, je me retrouvais avec, Jim
sur la route de sa nouvelle planque. Pour parvenir à
cette dernière situé à la sortie de Dol
sur la route de Rennes, il faut monter le boulevard Planson
passer sur le pont de la "flemme" et devant le
cimetière. Le trajet n'est pas très long mais
il y a ou milieu du boulevard une sentinelle montant la
garde devant une villa réquisitionnée qui sert
de "lazaret"(infirmerie).Tout se passe bien et nous arrivons
sans encombre à bon port. La propriété
de Haute-Folie est spacieuse, à l'écart de la
ville et des centres allemands. Je passe la matinée
avec Jim car le propriétaire n'arrivera qu'à
midi. Ce dernier parle parfaitement l'anglais (et
l'allemand). Formidable ! On ne pouvait souhaité (
meilleur refuge pour Jim. Hélas !
Vers 16 h, on me demande, rue Ceinte où je suis
à me reposer. C'est un émissaire envoyé
par un industriel de Plerguer avec qui je suis en relations
(non, commerciales) et qui, ayant appris par la rumeur
publique notre "sauvetage", nous propose de lui amener notre
aviateur. Un fermier des environs de Ville-des-Bidons
accepte de le cacher. Sa ferme est assez retirée et
il est difficile de trouver meilleur cachette pour Jim. Je
me rends immédiatement à Haute-Folie. Le
propriétaire est enchanté de cette proposition
car il ne tenait pas à garder Jim plus longtemps.
Nous fixons l'itinéraire pour nous rendre à la
ferme de Bel-Hêtre ; en évitant surtout la
route de Dinan nous passerons par Carfantin puis devant
l'abbaye, prendrons le chemin de Montplaisir et au besoin
à travers pour gagner Roz-Landrieux et couper enfin
la route de Dinan au passage à niveau de Servain
où nous attendra le neveu de notre industriel. Nous
reprenons nos bâtons de pèlerins et en route
encore une fois !
Hélas ! mes souliers, déformés
par la pluie me font mal et j'ai du mal à marcher. Il
faut absolument que j'aille en changer. Pas question d'y
aller tous à la fois. Je laisse Olga avec Jim
à l'entrée de la "Rousse". Ils s'en iront le
plus doucement possible vers Carfantin où je les
rejoindrai en passant par Légeard. Pendant mon
absence, ils furent assaillis par un groupe de soldats
allemands plus sentimentaux que belliqueux et qui firent des
propositions à Olga du genre "promenade Mademoiselle
?". Elle ne put les décourager qu'en prenant Jim
pardessus le bras et en accélérant le pas. Du
coup, je les rattrapais plus loin que prévu non sans
m'être inquiété passablement. La route
fut longue de Dol à Plerguer. Nous n'étions
pas remis de nos fatigues de la veille et puis Jim, peu
habitué à la marche n'avançait pas.
Enfin nous arrivons à bon port une fois encore. Mais
nous somme las, épuisés un bon rhume et Olga a
les pieds en sang. Nous passons la nuit à Plerguer
chez une tante d'Olga. Nous retournerons à Dol demain
matin...
Le lendemain soir j'avais rejoint le collège
replié à Trans, à pied bien sûr,
non sans avoir donné rendez-vous à Olga pour
le dimanche suivant à Landal. Elle m'y donnera des
nouvelles de Jim et même un petit mot qu'il m'avait
écrit. Quand le collège fermera
définitivement ses portes, fin juin, nous nous
rendrons souvent à Bel-Hêtre tenir compagnie
à Jim et essayer de calmer son impatience de
reprendre le combat. Lorsque les éléments de
1'armée Patton traversèrent la région,
il partit avec eux et nous n'eûmes plus jamais de ses
nouvelles.
Dessins, courriers de James,
remis à son ami Pierre pendant son séjour dans
la région de Dol.
(Photo coll P. REZE)
Le samedi suivant l'atterrissage forcé de Jim,
Olga descendait la grande rue de Dol où les forains
ne se battaient pas pour avoir une place sur le pavé,
un enseignant du collège technique s'avance vers elle
et lui dit en montrant le paysan qui l'accompagnait
"voilà quelqu'un qui veut vous parler" l'homme
s'approche alors d'elle et lui murmure à l'oreille :"
je n'ai un autre et c'est ainsi que nous fîmes 1a
connaissance de Malcom Cox de l'Ontario au Canada. Abattu au
nord de Rennes il marcha toute la nuit à travers
champs et vint échouer au petit matin dans une grange
près de Roz-Landrieux où le paysan le
découvrit, dormant comme un bienheureux dans la
paille. Comme il mesurait près de deux mètres,
il fut très difficile de trouver des vêtements
à sa taille. N'ayant pas trouvé de chaussures
à son pied nous fumes obligés de couper le
bout de ses bottes en caoutchouc pour le chausser.
Camouflé dans la ferme de la "ville-Goriou" il partit
lui-aussi avec les premières troupes alliées
de passage. Si nous traversâmes indemnes toute cette
période mouvementée, il n'en fut pas de
même du dolois qui avait pris le risque de sortir Jim
de sa cachette. Lui et ses camarades s'étaient
partagés l'équipement de Jim. Il se trouvait
en tournée de ravitaillement dans la région
d'Avranches quand les Américains firent leur
percée. Le blouson d'aviateur américain de Jim
sur le dos, il fut pris pour un ennemi par les Allemands et
abattu, laissant dans le besoin une veuve et une ribambelle
de gosses.
James Glynn et Malcom
Cox
Ceux qui s'en tirèrent à bon compte par
contre fut les jeunes gens qui découvrirent le
parachute de Jim et voulurent l'emporter chez eux.
Malheureusement, ils furent arrêtes par les allemands,
emmenés au château de Beaufort où ils
furent gardés quelques jours et
relâchés.
L'armée américaine entreprit des
enquêtes pour rechercher les personnes ayant
assisté ou secouru les aviateurs alliés
abattus en France pendant l'occupation allemande. Nous
remplîmes plusieurs questionnaires en 1946. Et nous
reçûmes un diplôme signé du
général Eisenhower, exprimant la
reconnaissance du gouvernement américain pour les
services qui nous avions rendus, diplômes que nous
avons précieusement dans nos archives.
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