Marcel Le Bihan est né le 23 avril 1916, à Douarnenez (Finistère). Fils de Corentin Le Bihan et d'Anne-Marie, née Le Bars, famille modeste, il grandit dans les ruelles et sur les quais du port. Très jeune, il s'intéresse aux choses de l'air. Sportif accompli, il fait partie de l'équipe de football de la Stella-Maris. Un tempérament exceptionnel à coup sûr. On le vit même un jour, poursuivre un match de football tambour battant, malgré une fracture de la clavicule... Une flamme ardente anime en permanence ses yeux noirs et profonds. En 1935, il s'engage dans la Marine nationale et choisit l'Aéronautique navale, car il veut devenir pilote. A la déclaration de guerre, en septembre 1939, on le retrouve pilote de l'hydravion catapultable Loire-Nieuport 130 embarqué sur le cuirassé " Dunkerque ". Mais ses qualités de pilote, son cran et son allant le désignent pour la chasse. En janvier 1940, il quitte donc l'aviation du " Dunkerque " pour la nouvelle escadrille AC3, basée à Cuers-Pierrefeu (Var). Le lieutenant de vaisseau Le Pelletier lui dit, en adieu, combien il regrette de perdre un élément de cette trempe, toujours la blague prête et l'enthousiasme contagieux: " Je ne vous souhaite qu'une chose, c'est d'être prudent ". Le 10 juin 1940, l'Italie déclare la guerre à la France. En Provence, on s'attend à une attaque italienne. Des avions Bloch 151sont positionnés sur la BAN de Cuers. Les affrontements entre pilotes français et italiens deviennent quotidien. Le 15 juin, en fin de matinée, Marcel Le Bihan est allongé dans l'herbe, en tenue de vol, à l'ombre des ailes de son Bloch, il machonne un brin d'herbe, attendant un éventuel signal d'alerte. La sueur perle à son front. A son camarade, le second-maître pilote L. Nicolas, il déclare en soupirant: " Si seulement quelque chose se produisait! Un petit tour là-haut me rafraîchirait bien! ". Rajoutant: " Et si je dégotais un fichu macaroni derrière un nuage, on rigolerait un bon coup, deux minutes ensemble! Il descendrait avant moi, je le jure! ". Vers midi, l'alerte est donée. La base de Cuers est attaquée par des chasseurs italiens Fiat-CR 32. Les Bloch 151 décollent en catastrophe. A 12h05, une bataille furieuse s'engage, à quatre contre un en faveur des Italiens. Le second-maître Marcel Le Bihan, à bord du Bloch n° 9, engage un combat singulier avec un Fiat. Marcel Le Bihan arrive à court de munitions et le moteur de son avion est endommagé. Plutôt que d'abandonner le combat, tel un corsaire à l'abordage, il fonce volontairement sur son adversaire, comme il fonçait au but sur les stades de Bretagne, et accroche de plein fouet sa victoire. Choc terrible, apocalyptique. L'engagement a duré les deux minutes qu'espérait le baroudeur... Le pilote italien saute en parachute. Marcel Le Bihan tente un atterrissage forcé dans la vallée de Rocbaron à 12h07. Un paysan est témoin de son atterrissage. Un bolide fumant, train rentré, veut se poser dans sa vigne, mais il a trop de vitesse. L'orée d'un bois fait front. Marcel choisit une trouée. Elle n'est pas assez large. Dans un fracas, l'aile droite heurte un tronc et se détache. L'appareil continue sa course, percute un talus, capote et prend feu aussitôt. Projeté de la carlingue lors de la rupture du fuselage, Marcel se traîne sur les coudes à cent mètres du brasier. Il porte des brûlures aux mains, au visage, et se dirige en titubant vers la route... Marcel Le Bihan décède de ses blessures vers 17h00, à l'hôpital de Brignolles, où il a été transporté d'urgence. Il est inhumé, le 19 juin, au cimetière Lagoubran à Toulon. La commune de Rocbaron, dans le Var, qui a eu la chance de n'avoir aucun de ses fils tué au combat, a fait de Marcel Le Bihan l'incarnation de l'héroïsme face à l'ennemi. La principale artère de la ville porte son nom et un monument commémoratif y a été érigé dès 1960. La presse locale de l'époque " Le Petit Var ", lui rend hommage en ces termes:
" Il ne sera pas dit, jeune homme au grand coeur, que tu auras quitté pour toujours notre petite ville où tu vins si brusquement mourir, sans emporter notre souvenir le plus attendri... Nous avons jonché ton cercueil de tous les lys de nos jardins. Nous t'avons bercé de notre tendresse et de nos larmes et scandons pieusement, pensant à toi, les fières paroles du poète: Dans l'orgueil de sa force et l'ivresse du rêve Inscrit ainsi une mort éblouissante et brève... "
En juin 2000, pour le 60ème anniversaire du fait d'armes, une stèle de marbre a été érigée à l'endroit exact où est tombé héroïquement le second-maître Marcel Le Bihan, le 15 juin 1940. Depuis la guerre, deux bâtiments de la Marine nationale ont porté le nom de Marcel Le Bihan. Le premier fut l'ex-aviso allemand " Greif ", construit aux chantiers de Lubeck et entré en service en 1937. Remis, en 1948, par les Etats-Unis à la France, il reçut le nom de " Marcel Le Bihan " après un grand carénage à Lorient en 1950, et fut armé en dépanneur d'aviation. Il fut par la suite renommé " Gustave Zédé ". L'aviso " Second-Maître Le Bihan " est le deuxième bâtiment portant le nom du jeune aviateur. Il a été mis à flot le 13 août 1977. A Douarnenez, dans le quartier de ses jeux d'enfant, face à la chapelle Sainte-Hélène, une rue porte le nom de " Rue Marcel Le Bihan ".
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