Mahé Yves

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Yves Mahé est né le 21 novembre 1919 à Nantes (Loire-Atlantique)-(ex-Loire-Inférieure).

Son père est peintre-décorateur. Dès son plus jeune âge, Yves se sent attiré par l'aviation. A l'âge de seize ans, il entre en apprentissage à la photogravure du journal " Le Phare ". Parallèlement à son activité professionnelle, il consacre tous ses moments de loisirs à l'aviation. Ainsi, il s'investit avec ferveur à "l'Avia-Club" de Château-Bougon où il passe avec succès son brevet de pilote civil. Pendant ce temps, son frère aîné Jean est élève officier à Saint-Cyr. Issu de la promotion 1937-1939, celui-ci entrera à l'Ecole de pilotage de Versailles.

Septembre 1939, la guerre éclate. Yves Mahé s'engage sans hésiter dans l'armée de l'Air le 10 octobre 1939, pour la durée de la guerre. Il est affecté comme élève pilote à la base d'Istres, où il obtient son brevet de pilote militaire. Devant l'avancée allemande, l'école se replie à Toulouse puis, devant la gravité des événements, en Algérie, à Oran. Refusant l'armistice de juin 1940, Yves décide de rejoindre l'Angleterre. Avec trois camarades : Jacques Hazard, Maurice Seguineau et Georges Fifre, il répare un vieux Caudron Simoun sur la base de Tafaraoui, près d'Oran. Après quelques tentatives avortées, le 2 juillet 1940 à 4 h 30 du matin, les quatre aviateurs parviennent à décoller clandestinement de Tafaraoui, bien que l'hélice à pas variable du Simoun ne fonctionne pas. Après de nombreuses péripéties, ils parviennent à se poser à Gibraltar. Leur carte ? Une planche géographique arrachée à un calendrier des PTT… De Gibraltar, Yves Mahé embarque le 7 juillet sur un cargo français l' " Anadyr ", à destination de l'Angleterre.

Arrivé à Londres, le sergent Yves Mahé a la surprise de retrouver son frère aîné Jean, qui dans le même temps, a pu rejoindre l'Angleterre à bord d'un cargo polonais, depuis Port-Vendres. Les deux frères s'engagent dans les FAFL. Alors que Jean part pour l'Afrique (il appartiendra au groupe " Bretagne "), Yves est envoyé en Ecosse où, durant un an, il parfait sa formation de pilote sur des avions britanniques. C'est alors qu'éclate la Bataille d'Angleterre. Le 1er septembre 1941, Yves Mahé est affecté dans la RAF, dans la chasse de nuit, sur Hawker Hurricane. Au 253 Squadron, où il est affecté avec Joseph Risso, il participe en qualité de chef de patrouille aux opérations de défense du territoire, essentiellement de nuit, mais également à des missions de protection de convois maritimes et de mitraillage des positions côtières ennemies. Sa mission est aussi de poursuivre les bombardiers allemands jusqu'au-dessus de la Hollande et de la Belgique. En janvier 1942, il est promu chef de dispositif. Dans la nuit du 29 au 30 avril 1942, aux commandes d'un Hurricane sans radar de bord, Yves abat un Heinkel 111 et en endommage un second, au-dessus de la ville d'York. Après cette victoire retentissante, le conseil municipal le nomme citoyen d'honneur et fait flotter le drapeau à la croix de Lorraine sur l'Hôtel de ville.

Yves Mahé se porte ensuite volontaire pour le G.C.III, alors en cours de formation. Il y est affecté le 15 août 1942, à Rayack, et est nommé aspirant. Il fait ainsi partie du groupe des quatorze premiers pilotes qui rejoignent le " Normandie " dès sa création.

Le " Normandie " arrive en Russie à Ivanovo le 29 novembre 1942.

Yves Mahé participe activement à la dure bataille d'Orel. Le 13 avril 1943, il soutient pendant 15 longues minutes, un combat inégal seul face à trois Fw 190. Il réussit à leur échapper après avoir abattu l'un d'eux, au-dessus de Spass-Demiansk.

Le 7 mai 1943, au cours d'une mission de mitraillage d'aérodrome dans la région de Smolensk, son avion est touché par la Flak et il est contraint de se poser à 15 kilomètres à l'intérieur des lignes allemandes. Blessé à la tête lors de son atterrissage forcé, il est fait prisonnier après quelques heures de marche, par une vingtaine de soldats allemands. Il est interrogé puis, quelques jours plus tard, conduit au camp de Smolensk d'où il s'échappe le 28 mai 1943. Le 10 juin, il est repris alors qu'il s'apprête à passer les lignes. Emprisonné au camp de Lodz en Pologne, il tente de s'évader à quatre reprises mais en vain. Dans le rude camp disciplinaire où il est interné, il rencontre un capitaine russe qui lui va lui apprendre la langue par le truchement de l'anglais que tous les deux maîtrisent très bien, dans une traduction russe du livre de Jules Verne "Les Enfants du Capitaine Grant".

Evacué avec l'ensemble du camp en juillet 1944 lors de l'avance de l'Armée Rouge sur Varsovie, Yves Mahé est amené au camp international de prisonniers de Mühlberg sur Elbe. Le 15 août 1944, il est condamné à mort par le tribunal de la Luftwaffe à Dresde pour tentatives d'évasions répétées et sans doute aussi pour son appartenance au " Normandie ". A Mühlberg, lorsqu'il apprend le verdict, Yves s'échappe de sa cellule mais sans pouvoir franchir l'enceinte du camp au sein duquel se trouvent les cellules des condamnés à mort. Il réussit alors l'exploit de vivre clandestinement à l'intérieur du camp grâce à son ingéniosité et la complicité de quelques-uns des 20.000 prisonniers qui partagent son sort. A plusieurs reprises il parvient à s'évader; repris à chaque fois, il n'est cependant jamais identifié par ses geôliers auxquels il fournit systématiquement de faux renseignements… Ayant vécu ainsi clandestinement pendant 9 mois, il doit attendre le 25 avril 1945, date de la libération du camp par les troupes soviétiques, pour pouvoir recouvrer son identité. Yves Mahé ne rentre en France qu'au mois d'août 1945, après avoir assuré, sur la demande des Soviétiques, le rôle d'officier de liaison pour le retour de tous les prisonniers français des centres de rapatriement de Torgau et d'Eseinach.

De retour en France, les quatre frères Mahé se retrouvent autour de leur mère, madame Charlotte Mahé, veuve depuis 1937. Cette dernière est une authentique résistante à laquelle le général de Gaulle, en 1945, témoigne, par écrit, toute sa reconnaissance et celle de la Nation pour son efficace action clandestine.

Le 2 décembre 1946, le commandant Jean Mahé trouve la mort aux commandes d'un B-26 Marauder. Le benjamin, Claude, a milité dans les réseaux de la résistance, puis a combattu avec sa mère dans la poche de Saint-Nazaire. Ses aînés lui ayant influé la vocation du ciel, il s'engage à son tour dans l'armée de l'Air. Lieutenant, il trouve la mort moins de six ans après son frère Jean, le 7 février 1952, au cours d'une collision entre deux De Havilland Vampire, à Friedrichshaffen, en Allemagne de l'Ouest.

Quant à Yves, après son retour en France, il retrouve sa place au " Normandie-Niémen ". Le lieutenant Yves Mahé a accompli au total 730 heures de vol, dont 110 de nuit et 140 heures de vol de guerre.

Affecté à la 6ème Escadre de chasse, il est ensuite en poste au Maroc, à Rabat, comme capitaine au " Normandie-Niémen ".

En 1949, il participe comme commandant en second du groupe, à la campagne d'Extrême-Orient. En 1952, il prend le commandement de " Normandie-Niémen ". L'année suivante, il rejoint la 10ème Escadre de chasse à Creil, en qualité de commandant en second.

En 1956, Yves Mahé prend le commandement de la 5ème Escadre de chasse sur la base aérienne d'Orange. L'état-major reconnaissant sa valeur intellectuelle et humaine l'affecte bientôt à des missions délicates auprès de l'OTAN. C'est ainsi qu'il est muté à la DAT (Défense aérienne du territoire) à Versailles, Paris, puis à Taverny.

Le 29 mars 1962, Yves Mahé, le pilote à la réputation fabuleuse, le héros, l'astucieux qui se tirait légendairement des plus mauvais pas, le pilote qui risquait mais seulement lorsqu'il avait tout pesé et tout calculé, décolle aux commandes d'un Gloster Meteor pour un banal vol d'entraînement, accompagné de son navigateur, un jeune sergent. Mais malheureusement, leur Meteor s'écrase de manière inexpliquée à Marienbourg, dans les Ardennes, à la frontière franco-belge. Quelques minutes avant de s'installer aux commandes de son Meteor, Yves Mahé a écrit une lettre à sa mère dont le 70ème anniversaire devait hélas coïncider avec la mort de son fils…

Ce 29 mars 1962, Yves Mahé rejoignait ainsi dans la mort et dans la légende tragique ses deux frères aviateurs. Ce jour-là, la trilogie héroïque et militaire de cette famille exemplaire se terminait. En ce qui concerne seulement les " Ailes ". En effet, ce n'est pas tout. La famille Mahé ne devait pas limiter ses sacrifices à la France à cette douloureuse hécatombe. Déjà sous l'Occupation, Gilles Mahé le troisième fils (en âge) ne s'était pas incliné non plus. Résistant, d'une pureté incomparable, il fut arrêté à Clermont-Ferrand en juillet 1942, et déporté à Dachau et à Matthausen. Revenu des camps très affaibli, il a épousé une jeune fille rencontrée au maquis.

C'est le 2 avril 1962, dans la chapelle des Invalides, qu'ont été célébrées les obsèques du lieutenant-colonel Yves Mahé, en présence de tous les anciens de " Normandie-Niémen " et de tous les grands noms de l'armée de l'Air, ainsi que des généraux Martial Valin : chef d'état-major de l'armée de l'Air, Georges Catroux : Chancelier de l'Ordre de la Légion d'honneur et Charles Ingold : Chancelier de l'Ordre de la Libération. De plus, un général de la RAF, ainsi qu'un commandant de groupe aérien russe, se sont également associés à ce grand deuil des " Ailes françaises ".

Le lieutenant-colonel Yves Mahé totalise plus de 3000 heures de vol, il a effectué 350 missions de guerre et est crédité de 2 victoires aériennes homologuées.

Officier de la Légion d'honneur (il devait être promu commandeur), Compagnon de la Libération (décret du 20/01/46), Yves Mahé est également titulaire de la Croix de guerre 39-45 (avec 6 palmes), la Médaille de la Résistance française (avec rosette), la Médaille coloniale (avec agrafe "Extrême-Orient"), la Médaille de la Victoire et la Croix de guerre tchécoslovaque. La Médaille de l'aéronautique lui a été décernée à titre posthume.

Yves Mahé repose au cimetière d'Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine).

La base aérienne 921 de Taverny a pour nom de tradition : " Frères Mahé ".

 

 

 

 

Officier de la Légion d'honneur

Compagnon de la Libération

Croix de guerre 39-45, avec 6 palmes

Médaille de la Résistance française avec rosette

Médaille coloniale avec agrafe "Extrême-Orient"

Médaille de la Victoire

Croix de guerre tchécoslovaque

La Médaille de l'aéronautique lui a été décernée à titre posthume

Avec l'aimable autorisation de publication pour l'ABSA 39-45 - Biographie copyright Yves Donjon