BRUZ LA MARTYRE

Historique réalisé par L'Adj. MAHISTRE Didier.

Durant la période dite de la "Drôle de guerre" (septembre 1939 – mai 1940) l'Armée anglaise utilise l'aéroport de Saint-Jacques (5km au Sud-Sud-Est de Rennes) inauguré le 28 juillet 1930. Elle installe ses cantonnements à Bruz (10km au Sud-Sud-Est de Rennes) dans un baraquement en bois au lieu dit : "Champ-Niguel" (aujourd'hui square des Anglais). Il semblerait qu'elle occupe aussi un immeuble au lieu dit "Ker Eol" dans le quartier Folérière.

Le 10 mai 1940, la "Blitzkrieg" (guerre éclair) succède à la « Drôle de guerre » et les armées françaises et anglaises refoulent... Paris tombe entre les mains de l'envahisseur le 14 juin, et 141 000 réfugiés s'installent en Ille et Vilaine.

Le 16 juin, les anglais abandonnent Bruz.

A Bruz, sous la conduite du gendarme Joseph Jan de Chateaugiron qui deviendra maire de cette commune, l'Armée allemande saisit les cantonnements anglais désertés du "Champ-Niguel" ainsi que la ferme de la Bihardais et une partie des Ateliers de réparation de wagons Grandury et fils dont la tréfilerie (créée en 1930) a été apportée à la SARL Tréfilerie de l'Ouest. Les Ateliers et la tréfilerie forment deux sites distinct que sépare une route. Ceux-ci sont occupés par des militaires de la Luftwaffe (Armée de l'air) qui utilisent l'aérodrome de Saint-Jacques où ils y font construire de nouvelles pistes. Bientôt, des ateliers de maintenance sont érigés dans les ateliers de réparation de wagons et au baraquement de "Ker Eol" se substitue un immeuble en dur baptisé "Kasino" qui sera leur quartier général, leur mess et servira aussi au logement d'officiers allemands. Enfin, l'occupant prend possession du bois des Ormeaux dans lequel il installe un dépôt de munitions de campagne où sont entreposées des bombes et des munitions de tous calibres.

Le site de Bruz a été choisi par l'Armée allemande car toute la zone militarisée se trouve le long de la voie ferrée de Rennes-Pontchateau d'où l'on peut ravitailler l'ensemble de la Bretagne et du grand Ouest.

En prévision de l'opération Overlord qui devait être déclenchée en juin 1944, l'état-major Allié décide la destruction de l'aérodrome de Saint-Jacques et de plusieurs dépôts de munitions. Le Bomber Command planifie simultanément plusieurs bombardements programmés pour les nuits du 6 et 7 mai. Les objectifs sont la "FlaK" (batterie de défense contre-avions) de Saint-Valéry ; les terrains d'aviation de Nantes, Rennes (Saint-Jacques) et Tours ainsi que les dépôts de munitions de Bruz (et sa Flak de la Rabine), Aubigné-Racan et Salbris.

Le 6 mai et pendant 20 minutes, plusieurs vagues de Lancaster ND 783 (18 bombes de 250 kg ou 10 bombes de 250 kg et 1 de 2 000 livres) des Squadron 576th et des Boston III du 342th Sqdn (Lorraine), volants à 540 km/h entre 5 000 et 10 000 pieds de hauteur déversent 900 t de bombes sur Aubigné-Racan avec une précision diabolique. Conjointement à cette opération, les deux objectifs de la région de Rennes sont confiés au 1th Group du Bomber Command composé des Squadron 12th, 100th, 101th, 103th, 166th, 460th, 550th, 576th, 625 th et 626th. Les pistes de l'aérodrome de Saint-Jacques sont bombardées par des Lancaster (43 cratères) et les installations au sol (atelier, bureau, hangars…) ainsi que deux appareils de la Luftwaffe sont détruits ou très fortement endommagés par le mitraillage à basse attitude de quelques Mosquitos.

Le lendemain, soit le 7 mai 1944, à 23h45 locales les sirènes de Saint-Jacques mugissent dans la nuit. La pleine lune offre un temps clair et sans nuage mais de légères brumes au sol empêchent le largage correct des marqueurs jaunes et rouges sur le dépôt de munitions des Ormeaux. L'attaque accuse du retard lorsque le "Master bomber" croit avoir enfin repéré ledit dépôt et décide de larguer les "target indicators" (marqueurs) qui descendent sur le centre de Bruz, à un kilomètre plus au sud. C'est alors que les 51 Lancaster appartenant au 1^er Group du Bomber Command déversent 250t de bombes sur cette petite ville dont 46 de 2 000 livres et ce pendant 20 minutes en deux vagues espacées de quatre minutes sur trois niveaux (8 000 et 10 000 et 8 500 pieds). Le bilan déjà lourd causé par la première vague de bombardement s'aggrava lorsque la population épargnée accourut pour apporter les premiers secours aux ensevelis au moment même où la seconde vague déversa ses bombes sur le centre du bourg.

L'Atelier de réparation de wagons reçu 19 bombes. Un incendie consume les ateliers et les magasins qu'alimente l'huile entreposée atteignant ainsi un dépôt de bouteilles d'acétylène qui acheva, en explosant, de souffler le quartier de la gare... Enfin, les incendies éparses dans les ruines vont consumer les malheureux survivants restés prisonniers des décombres de leur maison. Bruz vient d'être rayée de la carte !

Les unités allemandes stationnées sur la commune ne subirent que de simples dommages collatéraux réduits au "roof damage" (toitures soufflées) et ne participeront à aucun secours refusant même d'apporter leur aide à la population. Ceux du Champs-Niguel refusent de prêter leurs gros extincteurs à mousse tandis que ceux de la Bihardais ne donnent que quelques pelles et pioches... Arrivant de Rennes, deux grosses voitures-incendies allemandes s'arrêtent à Vau Gaillard et après avoir inspecté en curieux les ruines, ils lâchent : « Il n'y a pas de dommage pour nous... nous rentrons à Rennes » ... alors que leur aide aurait permis de sauver du feu certains ensevelis...

A l'aube, les survivants et les secouristes, souvent de simples anonymes, arrivent de toute part et relèveront des décombres 200 morts sur les 800 habitants. On compta 860 impacts de bombes dans un rayon de 500m autour de "l'aiming point" (église) de Bruz...

Après le départ de l'Armée allemande et la libération de Bruz, les américains s'installent au camp de la Bihardais abandonné.

1 – BRUZ la Martyre de l'abbé MONTFORT-HUET aux éditions Revivre, avril 1994. BREUTZ… BRUTZ… BRUZ... de B à Z, collège d'auteurs par la Ville de BRUZ.

AUBIGNÉ-RACAN

 

Dès son installation, l'occupant allemand procède à quelques réquisitions afin de meubler les bâtiments pillés lors de l'évacuation. Le 155^ème régiment d'infanterie (allemand) prend garnison à Aubigné-Racan. L'entrepôt est exploité normalement et y est stocké environ 15 000t de munitions d'origines allemandes, françaises, italiennes, russes et même tchèques. Afin d'assurer son bon fonctionnement, la Feldkommandantur 755 du Mans réquisitionne 40 sarthois pour effectuer des travaux de manutentions et de servitudes diverses.

La mairie Aubigné-Racan est occupée par la Kommandantur et dans l'une des maisons s'installe un bureau de la Gesheim Staatpolizei (police secrète d'état) dont l'acronyme est Gestapo.

Avec l'installation en juin 1944 de la 2^ème division SS Das Reich au Mans quelques SS (Schutz-Staffel) viennent travailler à l'entrepôt. Ces derniers sont essentiellement des "malgré nous" alsaciens.

En 1943, les allemands s'intéressent à l'ancienne carrière des Piliers, une carrière d'extraction de tuffeau transformée en champignonnière près de Luché-Pringé (15km à l'est d'Aubigné-Racan) en bordure de la D 214, pouvant être raccordée à la voie ferrée Le Lude-La Flèche-Le Mans et bénéficiant d'une annexe (vaste cave) ayant la capacité d'accueillir la troupe et des techniciens. Ils envisagent dans celle-ci d'y effectuer le montage de nouvelles armes stratégiques, les Vergeltungswaffe 1 (pour arme de représailles n° 1) plus connu sous l'acronyme "V1". Le 13 juin 1944, les premiers V1 tombent sur Londres. Ce sont des bombes volantes d'une charge utile d'une tonne d'explosif propulsées à 150km/h par un moteur à réaction. Peu performant mais psychologiquement efficace, ces V1 sont remplacés en septembre de la même année par les V2 dus à l'ingénieur Wernher von Braun, (1912-1977) et sont de véritables missiles sol-sol à vitesse supersonique… Nous ne savons pas si des V1 et V2 ont été assemblés dans la carrière des Piliers et son annexe mais ce qui est établi, c'est que des explosifs pour ces V1 et V2 ont été fabriqués dans l'entrepôt de munitions d'Aubigné-Racan.

En prévision de l'opération Overlord qui devrait être déclenchée en juin 1944, l'Etat Major Allié décide la destruction de l'entrepôt de munitions d'Aubigné-Racan et de la poudrerie de Malpaire à Précigné (15km à l'est de La Flèche). Le Bomber Command planifie simultanément deux bombardements programmés pour la nuit du 6 au 7 mai. La poudrerie de Malpaire sera détruite à 70%.

Quant à l'entrepôt, son bombardement est confié au Squadron 576th et 342th. Ce dernier n'est autre que le groupe Lorraine des Forces Aériennes Libres créé le 2 septembre 1941. L'un des groupes de résistant de la région fut chargé de baliser le site d'Aubigné-Racan quelques secondes avant le déclenchement du bombardement. Vers 2h45, deux fusées sont lancées pour l'éclairer. Pendant 20 minutes, plusieurs vagues de Lancaster ND 783 (18 bombes de 250kg ou 10 bombes de 250kg et 1 de 2000 livres) volants à 540km/h entre 500 et 1000m de hauteur déversent 900t de bombes 7 et seulement deux d'entre-elles éclatèrent en dehors du site dont l'une sur une ferme faisant trois morts civils. Une quinzaine de soldats allemands sont tués, la ligne téléphonique Le Mans-Aubigné, la voie ferrée et la route départementale 76 sont coupées en plusieurs endroits, les poudrières rasées... Le secteur du cantonnement et de la citée des cadres est épargné. Les explosions ont éparpillé dans les jardins des deux communes des éléments de rails, de ferrailles et des obus non amorcés. Les maisons de Vaas et d'Aubigné-Racan ont été fortement ébranlées (vitres, cloisons, murs et toits)…

Vers 3h30 ou 4h00 du matin l'un des Lancaster III, le ND783, du 576 Sqdn, est abattu sur le chemin du retour. Il s'écrase sur la commune de Saint-Rémi-du-Plain (45km au nord du Mans) (Saint-Rémy-du-Val depuis la fusion avec le Val au 1^er janvier 1965), avec à son bord six hommes d'équipage carbonisé à son poste de combat et une bombe de 2 000 livres.

L'équipage était ainsi composé du Flight Lieutenant pilote, Shearer James Maxwell, de la Royal New Zealand Air Force, du Sergeant (Flt. Engr.) Drew Corbett, Royal Air Force , du Warrant Officer, Biltoft Arthur de la Royal Australian Air Force, du Flight Sergeant (W.Op./Air Gnr.), Fox Charles, Royal Air Force, du Flight Sergeant, McLeod John, Royal Australian Air Force, du Flight Sergeant, Jackson Arthur, Royal Australian Air Force, du Sergeant Ford J.

Les six membres de l'équipage reposent au cimetière militaire britannique de Bayeux.

Le Sergeant Ford sera un des deux rescapés de ce crash. Le deuxième homme, l’Air Chief Marshal Sir Ronald Ivelaw-Chapman (1899-1978). Si le premier pu regagner l’Angleterre, le second, Sir Ronald Ivelaw-Chapman, fut capturé dans la ferme où il avait trouvé refuge. Cette capture causa un grand remue ménage à Londres car cet officier était chargé de reconnaître et sélectionner les plates formes susceptibles de servir d’aérodromes pour l'opération Overlord. (Exécutez l'air commodore ! Menaces sur le débarquement par Eddy Florentin, Claude Archambault, et Jean Mattéoli).

Par chance les allemands n’ont pas su apprécier l’importance de cet officier et après un simple interrogatoire, il fut expédié dans un camp de prisonnier où il ne fut libéré que 18 mois plus tard. Le lendemain, un avion anglais revient survoler l'entrepôt pour contrôler la mise hors service des dépôts de munitions et tenter de localiser le lieu du crash Lancaster et son important officier…

Ce Lancaster a été revendiqué par l'Oberfeldwebel, Dieter Voigt, du 3./SKG 10 à 03h15 du matin, à 6 km au sud-Est d'Alençon.

Le lendemain, un avion anglais revient survoler l'entrepôt pour contrôler la mise hors service des dépôts de munitions. Mais les allemands réquisitionnent des civils pour le déblayer et les rémunèrent en mark… A partir de ce jour, la population vie terrée dans les caves pendant deux mois.

7 - Selon source Radio Londres.

8 - High Endeavour - The Biography of Air Chief Marshal Ivelaw-Chapman (http://www.bharat-rakshak.com/IAF/History/Air-Chiefs/Chiefs-Air-2.html