Voir la page des aviateurs évadés |
L'association Bretonne du Souvenir Aerien remercie Madame Joëlle Robin journaliste au Conseil général des Côtes d'Armor pour son aimable autorisation à publier le document qu'elle à rédigé en mémoire du réseau d'évasion SHELBURN de Plouha, Côtes d'Armor pendant la seconde Guerre Mondiale. Ce réseau a favorisé l'évasion vers l'Angleterre de 142 personnes tombées sur le sol français souvent au cours de missions aériennes.
Nous en sommes reconnaissants.
Jean Michel Martin ABSA 39-45 19 novembre 2009
"Mon père disait que les vrais
héros étaient les Bretons, qui étaient
extrêmement courageux et ne refusaient jamais de
donner abri à des aviateurs anglais en dépit
du danger qu'ils encouraient", disait Jane Birkin en 1989,
deux ans avant la mort de son père. À bord de
la corvette de la Royal Navy, qui ramenait les aviateurs
anglais dans leur pays ou qui aidait les combattants de la
France libre à rejoindre l'Angleterre, David Birkin
fut de ceux qui participèrent au réseau
Shelburn de Plouha.
Photo archives
départementales
Les évasions par la
mer
Si la Résistance a pu opérer, c'est
grâce à ses réseaux, constitués
de femmes et d'hommes qui, dans l'ombre bien souvent,
jouèrent un rôle à un titre ou à
un autre. Et en Côtes d'Armor, ils furent très
actifs et nombreux.
Dès septembre 1940 des habitants du secteur de
Lanvollon cachèrent des aviateurs qui étaient
ensuite acheminés vers l'Espagne. Une filière
longue en revanche. Ce premier groupe, la "bande à
Sidonie"; fut hélas vite démantelé. "
Ami, si tu tombes un ami sort de t'ombre à ta place".
Cette phrase du chant des partisans prend ici tout son sens.
En effet, après Lanvollon, ce sont des
résistants de Plouha qui furent pressentis pour
prendre la relève à la fin de l'année
1943. Ils seront encadrés par deux Canadiens, Lucien
Dumais (rescapé du raid anglo-canadien de 1942
à Dieppe) et Raymond Labrosse, chargés par le.
"Special Operations Executive", service secret britannique,
d'organiser un réseau d'évasion par mer, le
réseau Shelbum. Le docteur Le Balch, François
Le Comec, Jean Tréhiou, Job Menguy, Pierre Huet, Jean
Gicquel, sont "recrutés". Les trois derniers
cités étaient d'anciens marins de Plouha,
disposant d'une parfaite connaissance de la côte.
I'anse Cochat, baptisée "plage Bonaparte", fera
l'affaire pour l'embarquement. Quelle que soit la mission
qu'on leur confiait, tous connaissaient le danger
encouru.
Dans le groupe de Plouha, on trouve aussi des jeunes
filles. Marie-Thérèse Lecalvez, Marguerite
Pierre convoyeuse (née Le Saux), chez la mère
de laquelle logeait Dumais. Anne Ropers, dont les parents
hébergeaient des aviateurs et Marie Gicquel qui
habitait la fameuse " maison Alphonse "
Il arrive encore à Marguerite d'intervenir dans
les écoles. Nous racontons cette période aux
jeunes. De janvier à août 1944, 138 aviateurs
ont rejoint les côtes anglaises en transitant par la
plage Bonaparte. Leur avion ayant été
mitraillé quelque part en France, ils avaient eu la
chance de ne pas périr dans l'accident de leur engin
et avaient ensuite été pris en charge pour
arriver à Plouha. Ils étaient passés
par Paris et avaient pris le train. Tout un périple,
rendu possible grâce à la solidarité de
tout le réseau organisé par Dumais. De
Guingamp ou Châtelaudren, le garagiste Kerambrun
faisait la navette vers Plouha avec sa camionnette à
gazogène".
La plage Bonaparte, lieu d'embarquement pour
l'Angleterre.
Photo Thierry Jeandot
Quelle que soit la mission tous
connaissaient le danger encouru.
Une organisation quasi
militaire
Lucien Dumais (38 ans) dit Léon et Raymond
Labrosse (18 ans), pivots de l'opération, formaient
un bon duo parlant bien français et
préparé de manière intensive. Leur
mission était de récupérer les
aviateurs et de les faire escorter avec la collaboration
d'autochtones volontaires. Il fallait habiller, nourrir et
loger les pilotes en lieu sûr en attendant leur
départ. Pas facile en cette période de
rationnement. Et parfois trouver des médecins pour
les soigner et enfin des imprimeurs pour fabriquer des faux
papiers. Incroyable, mais la Gestapo n'a jamais
démantelé ce réseau.
"Dumais, attentif au moindre détail avait
une grande autorité militaire. Job Menguy disait de
lui que c'était un pistoleur ", (sans doute
prenait-il des décisions sans appel quand il le
fallait, NDLR) précise Roger Huguen. Ce professeur
d'histoire au lycée Renan de Saint-Brieuc jusqu'en
1991, a écrit un ouvrage - sa thèse
passée en 1974 - sur les réseaux
d'évasion d'aviateurs en Bretagne, Par les nuits les
plus longues. Un livre dont il a vendu plus de 20 000
exemplaires. . "Sur le sujet Shelburn, j'en apprends
encore. L'histoire n'a pas de point final. Et l'Intelligence
Service n'a pas tout livré. Et la chape de plomb
était encore plus lourde au début de mes
recherches. Quant à la Royal Navy, qui mettait sa
flottille à disposition de L'Intelligence Service,
elle n'était pas bavarde non plus".
Si on ne déplore aucun mort chez les convoyeurs
ou les aviateurs, Marie Gicquel et son mari ont eu de la
chance :
Le Préfet Henri Avril inaugure la plaque
commémorative dédiée au réseau
à l'anse Cochat, à Plouha.
Photo archives
départementales
Si on ne déplore aucun mort chez les convoyeurs
ou les aviateurs, Marie Gicquel et son mari ont eu de la
chance: "notre demeure "la maison d'Alphonse" servait de
lieu de ralliement. Elle était située à
un kilomètre de la plage.
Quand Radio Londres diffusait le message
codé "Bonjour tout le monde à la maison
d'Alphonse ", cela signifiait pour nous que
l'expédition serait pour la nuit suivante. Mais les
Allemands, s'ils n 'ont jamais eu la preuve que nous
cachions des aviateurs et que nous les faisions passer de
l'autre côté de la Manche, se méfiaient
et se doutaient de quelque chose. Un jour, j'ai eu un
mauvais pressentiment. Ils sont venus chez nous pour
fouiller la maison et sont repartis bredouilles. J'ai vite
préparé quelques affaires, mis le
bébé dans son landau
et avec mon mari, nous avons fui Quelques heures
après, ils mettaient le feu à la maison.
C'était le 24 juillet 1944 Nous avions tout perdu
Nous réfugiant ici et là, notre cavale a
duré jusqu'à Noël Et mon mari est parti
en Angleterre avec un convoi d'aviateurs".
Lucien Dumais, allias Léon, le chef canadien de
l'opération Shelburn
Photo archives
départementales Du 29 janvier à août 1944, huit
opérations se succédèrent. Les parents
d'Anne furent "hébergeurs" à trois reprises.
"Une fois, neuf hommes pour la soirée, une
autrefois, cinq pour une semaine et enfin trois marins
pendant vingt jours. Ils n 'avaient pas trouvé le
bateau et il n y avait pas de comité de
réception à la plage. Un imprévu ce
jour-là. Chez mes parents, il y avait des apprenties
couturières. Elles n'ont jamais entendu les marins
à l'étage au-dessus de l'atelier pendant leurs
trois semaines de présence. Et il nous fallait
trouver du ravitaillement discrètement pour nourrir
ces grands gars".
Pour rallier la maison d'Alphonse à la plage,
le chemin était semé d'embûches. Les
Allemands patrouillaient et de leur poste de surveillance,
ils pouvaient éclairer loin en mer. Le terrain
était miné et des membres du groupe avaient
posé des linges blancs près des mines sur un
kilomètre. Quant au sentier dans la falaise,
étroit et glissant, il était encore plus
dangereux de nuit. Les consignes étaient strictes.
Dumais, le seul à être armé, donnait les
ordres ne pas parler, ne pas fumer, se suivre en file
indienne, en tenir le vêtement de celui qui marchait
devant. Il fallait marcher dans les ruisseaux pour
déjouer l'odorat des chiens des patrouilles. Job
Menguy planquait des heures durant dans une cache de la
falaise, attendant le bon moment pour les signaux. Sur la
plage, les hommes échangeaient le mot de passe
"Dinan-Saint-Brieuc"; puis les chaloupes les embarquaient,
ramant jusqu'à la corvette en prenant des
précautions comme les chiffons sur les avirons pour
atténuer les bruits de clapotis. Quatre embarcations
légères en bois qu'il fallait remonter
à bord du bateau où s'activait un
équipage d'une trentaine hommes. L'ancre de la
vedette était montée sur des haussières
de chanvre pour éviter le bruit des chaînes.
Enfin, c'était la montée à bord de la
corvette cachée derrière la tourelle du
Taureau et le voyage de quatre longues heures jusqu'à
Dartmouth, sur les côtes anglaises.
"Sans compter les lourdes valises remplies d'armes,
de vêtements, d'argent ou de matériel radio
qu'il fallait remonter sur l'épaule en grimpant le
long du sentier. Les valises étaient garnies de toile
imperméable en cas de chute dans l'eau et portaient
la lettre B comme Bonaparte. Nous les portions
jusqu'à la maison d'Alphonse dont les fenêtres
étaient obturées par des couvertures afin que
la lumière ne filtre pas. Nous, nos familles, aurions
pu être arrêtés à chaque instant.
Mais Dumais et Labrosse avaient bien orchestré
l'opération, chacun dans son rôle. L'anse
Cochat, très abritée, avait été
bien choisie aussi, quoique proche des postes de veille
ennemis à la Pointe de la Tour. Par miracle, la
vedette à faible tirant d'eau, qui filait à
plus de 3o nuds, n'a pas été
inquiétée pendant ces missions; une seule
fois, le canon à Plounez a tiré dessus ", ",
conclut Marguerite.
Photo archives
départementales Photo Thierry Jeandot Plouha fut libérée le 5 août 1945.
Après la libération, Dumais et Labrosse
reçurent la Croix Militaire ainsi que des
décorations de la France et des États-Unis.
Ils finirent par retourner dans leurs familles, au Canada.
Après la guerre, Français et Anglais se
retrouvèrent. Les aviateurs ou marins de la corvette
voulurent revoir les lieux de jour. Comme Guy Hamilton ou
David Birkin, ayant tous deux mené la corvette
à bon port. Cette dernière a été
reconvertie en bateau de plaisance et les Plouhatins,
invités à une commémoration en
Angleterre vers 1965, ont pu faire une promenade à
son bord Plusieurs stèles et des plaques
commémoratives (anglaises, américaines,
canadiennes) témoignent de la reconnaissance des
forces alliées au réseau Shelbum. La ville de
Plouha organise chaque année un challenge sportif du
nom du réseau. Et Marguerite Pierre a gardé
vivaces ses souvenirs et ... une des valises.
Une foule importante participe à la
commémoration d'après guerre.
Photo archives départementales
Roger Hugen, correspondant du
Comité d'histoire de la 2ème guerre
mondiale, historien
"Des pilotes de la corvette m'ont raconté des
anecdotes extraordinaires. Ils se souvenaient avoir
distingué du bateau le rougeoiement des cigarettes
des Allemands sur la falaise. C'était plutôt
des Russes blancs enrôlés par les Allemands,
des hommes qui ne connaissaient pas la mer. En effet, en
arrivant, la corvette ne faisait pas de bruit mais elle
"soulevait" parfois une nuée de mouettes. Ils
auraient dû le remarquer. David Birkin m'a
donné des documents. Lui qui a aussi
opéré dans L'Aber Wrac'h, était
historiographe (salle des cartes) et se repérait
à la forme des rochers. Il prenait le commandement du
bateau au pin point, à la pointe de la Tour.
Sur la stèle de granit rose (août 1954)
en haut de la falaise qui surplombe la mer et la plage, sont
inscrits les noms des réseaux d'évasion qui
opéraient dans la région.
La plage Cochat est ainsi devenue la "Plage
Bonaparte", en mémoire de cette extraordinaire
opération d'évasion réussie.
Allan Lirquhart, Marie Gicquel et Marguerite Pierre,
de gauche à droite, au départ du sentier.
II symbolise le rôle de Plouha dans sa
résistance à l'envahisseur pendant la seconde
guerre mondiale. Ce circuit littoral de g kilomètres,
dont l'initiative revient à une association de
Plouha, relie le site de la "Maison d'Alphonse" au sentier
des falaises, surplombant la mer, entre l'anse Cochat et la
pointe de la Tour.
Symbole de liberté, de courage,
despérance
Tes appels en mémoire sont toujours si
vivants
Que jaccours cette nuit à COCHAT dans son
anse
Pour porter ton message aux curs de nos
enfants
Aussi sombres que soient les nuits sur notre lande
Les vers luisants du ciel éclairent nos
sentiers
Etrangers, nos lutins ne sont pas que
légendes
La Bretagne en tout temps refaits ses chevaliers
SHELBURN
Si je viens si souvent dormir dans mes
bruyères
Me baigner dans la sueur et le sang de tes pas
C est pour mieux mimprégner de
tes fibres guerrières
Qui animent nos âmes au sommet des combats
A vous chers disparus les meilleurs de nos rimes
Sen iront en pensées faire un
léger détour
Que les dieux de Celtie sachant quon vous
sublime
Ouvrent grandes les portes du val sans retour
Je voudrais que vos noms sinscrivent sur les
pierres
Qui jalonnent sentiers rivières et torrents
Faisons que nos falaises deviennent sanctuaires
Et quaux arbres on écrive
contemple ici passant
SHELBURN
Je viens la très souvent glaner dans mes
bruyères
Les mots dune valeur que je ne trouve pas
Mais les lueurs de lâme ne se racontent
pas
Que jamais lon oublie ces temps de folle
angoisse
Vécus par des humains parmi tous les
dangers
Que simprègnent nos curs de
jeunesse et daudace
Données par ces héros de gloire à
lapogée
Quil nous faut attiser pour que toujours la
flamme
Quelle quen soit la couleur brille sur nos
lendemains
Elle sera notre aurore consumera
linfâme
BONAPARTE sera pour nous le pur écrin
SHELBURN
Je viens la très souvent glaner dans mes
bruyères
Les mots dune valeur que je ne trouve pas
Cest la nuit quil est beau de croire en la
lumière
Et la force de lâme ne se raconte pas.
Merci à mon Ami FREDDIE BREIZIRLAND pour
laimable autorisation de publier le texte de sa
chanson à la Gloire des HEROS du Réseau
dévasion SHELBURN. PLOUHA 22. 1944
FREDDIE BREIZHIRLAND. Auteur. Compositeur.
Interprète.
Jean Michel MARTIN. Le 26 novembre 2009