LANLOUP,
Côtes du Nord. Vendredi 11 août 1944. Boulsec'h.
Chute du Bombardier B-17G Immatriculé :
42-38073. Lettre dempennage U dans triangle blanc.
Codé F. '' Luck of Judih Ann'' (Chance de Judith Ann)
de la 8th Air Force. 457th Bomber Group Heavy. (Groupe
lourd). 750th Bomber squadron.
Les états majors préfigurant la bataille
que devraient livrer les Forces alliées pour
libérer la ''Festung Brest'' Forteresse de Brest
ainsi appelée par les allemands,
décidèrent pour ce 11 août 44, le
pilonnage des batteries côtières construites
par l'occupant sur le pourtour maritime de la rade de Brest
et de la presquîle de Crozon Morgat ainsi que
sur la côte Nord du Finistère. La
libération de la Bretagne était
déjà en marche. L' Est de la région
était libéré depuis les premiers jours
daoût. Les forces allemandes se
réfugiaient sur Lorient et Brest et avaient
reçu les ordres d'Hitler de lutter jusqu'au dernier
homme. Cette opération aérienne d'envergure,
impliquera au total 275 bombardiers B-17 à raison de
10 hommes d'équipage par appareil. Ces B-17
arroserons de bombes les objectifs ,pour un total de 868
tonnes de projectiles. Sur la base RAF 130 de Glatton
Huntingdon dans le Comté du Cambridgeshire à
environ une centaine de kilomètres au nord de
Londres, sont basés depuis le 21 janvier 1944 les 4
squadron du 457th Bomber group, les 748,749,750,751 dont
l'effectif en appareil est de 75 quadrimoteurs Boeing
B-17.
Il est 15 heures 30, quand décollent de cette
base, 3 ''Box'' de 12 appareils appartenant au 750th Groupe.
Après un regroupement au dessus de start point au
sud-est de Plymouth à 15 heures 58, ces 36 B-17 vont
venir se joindre aux 249 autres bombardiers ayant
décollé simultanément de plusieurs
bases anglaises et ayant la même mission de
destruction des lignes de défenses allemandes de la
pointe Bretonne. Le Boeing B-17 ''Luck of Judith Ann'' ainsi
appelé par les membres de l'équipage, compte
10 aviateurs. Le pilote est le Second Lieutenant
Gérald G. Ross, 24 ans. Il est né le 22 mai
1919 à Sulphur Spring au Texas. Il à, à
ses côtés son copilote, le second Lieutenant
Samuel W. Sayer, 25 ans, né le 29 octobre 1918
à Muskegon dans le Michigan. Le navigateur est le
second lieutenant Chester R. Tingle. Les communications sont
assurées par l'opérateur radio le techniqual
sergeant Hullit O. Kirkart. Dans la tourelle bulle
située en dessous de l'avion, le Sergent Thomas S.
Maulstesby est à son poste de tir. La tourelle
supérieure est occupée par le sergent Carl A.
Adolfson. Dans le couloir menant à lempennage,
la mitrailleuse gauche est servie par le sergent Richard J.
Burdett, à ses côtés, le sergent John L.
Collins mitrailleur droit. Dans le poste extrême
arrière le sergent Camille H. Blais.
Photos. ''Collection privée''
Notre formation a prit une direction sud ouest tout
d'abord et nous avons volé ensuite un long moment au
dessus de la mer. Après une longue courbe
bâbord vers 16 heures 40, nous avons contourné
la pointe Finistère. Ensuite, nous avons fait cap
vers le nord à 16 heures 56 en apercevant nos
objectifs, nous avons reçu l'ordre de nous tenir
prêt à toute éventualité. Les
attaques de chasseurs ennemis nous préoccupaient.
Nous scrutions tous le ciel autour de nous. A 17 heures 04,
nous volions à la verticale de Crozon. Le Flying
Officer Matassa, qui avait préalablement et sur
ordre, ouvert la trappe de la soute à bombe, largua
une partie du chargement sur une ligne de défense.
Nous volions ensuite toujours vers le nord. Il reçu
de nouveau l'ordre de délester le reste des bombes,
c'est à dire 10 projectiles qui furent largués
d'une altitude de 25 000 pieds (7600 mètres) sur une
batterie côtière bordant la Manche. Il
était 17 heures 08. C'est à ce moment
là que notre bombardier fût touché par
des obus explosifs tirés par l'artillerie anti
aérienne allemande. Notre moteur numéro 3
sarrêta net. Nous survolions la mer. Le pilote
décida immédiatement un retour vers la terre,
car le moteur n° 4 se détacha de l'aile
après avoir été touché par
plusieurs projectiles. Notre appareil poursuivit son vol
difficilement dans ces conditions extrêmes. Nous
sentions tous que l'avion était perdu. Dans
l'interphone, le copilote, le lieutenant Sayer, nous donna
l'ordre de nous préparer à sauter en
parachute, un nouvel ordre étant attendu pour quitter
l'avion. Nous étions prêts et un peu
inquiets.''GO ! OK ! Sautez !''retentit dans
tout les hauts parleurs.
Photos : http://www.457thbombgroup.org/
Le mitrailleur de queue le sergent Adolfson sauta le
premier par la porte de côté arrière. Il
quitta le B-17 à une altitude de 12000 pieds (3600
mètres environ) et ouvrit son parachute à 3000
pieds (900 mètres). Il atterri dans un champ de
maïs en pleine campagne. Une minute après
latterrissage, un homme armé d'une mitraillette
se posta devant lui et l'interpella. Il portait un brassard
FFI. Ce dernier le réconforta et lui ordonna de le
suivre après qu'il ai abandonné tout son
équipement. Il lui trouva un vélo dans une
ferme voisine et ils partirent tous les deux vers le bureau
de la résistance à Pontrieux ville proche. Le
soir même, il fût dirigé vers Guingamp,
ville libérée le 7 août où il
retrouvera les membres d'une commission américaine
des affaires civiles composée de 5 hommes (plus un
capitaine Britannique, le captain Sloper) qui avaient
été préalablement parachutés
dans la région juste avant la libération. Il y
retrouvera deux de ses camarades, le lieutenant Chester R.
Tingle et le sergent Collins. Ils restèrent 24 heures
à Guingamp, puis, embarqués dans un camion,
ils furent emmenés à Fougères puis en
Normandie, plus exactement à Colleville sur Mer ou le
27th Air T base 27 ATG (A-22C) était installé
sur un aérodrome récemment construit pour y
recevoir les avions cargos C-47. Ces avions bimoteurs
assuraient tous types de transports de fret. Des passagers,
des infirmières, le courrier, le plasma sanguin, le
sang total, des combattants, des soldats qui retournaient
vers l'Angleterre, des gens comme nous et surtout les grands
blessés qui étaient redirigés vers les
hôpitaux Anglais. Etc....
Photos : http://www.457thbombgroup.org/
J'ai décollé de cet aérodrome
à bord d'un Douglas C-47 le 13 août en cours de
journée. En soirée, je me présentais
comme prévu au 63 Brook Street à Londres pour
y rédiger mon rapport. Le Flying Officer Matassa
quittera l'avion en seconde position. C'était sa
deuxième mission. Dans son rapport à son
retour en Angleterre le 13 août 1944, il
déclarera qu'il a sauté sur ordre du pilote
à une altitude de 10 000 pieds (3000 mètres
environ). Il précise, '' j'ai tiré sur la
poignée d'ouverture de mon parachute à 5000
pieds (1500 mètres environ) et j'ai atterri vers 18
heures dans un champ d'herbe''. Je me suis assis sur le sol,
il m'a fallut plusieurs minutes pour reprendre mon souffle.
Juste après avoir quitté mon harnais de
parachute,j'ai été entouré de
Français qui narrêtaient pas de me dire
''camarade''. Ils m'ont conduit vers une petite maison
où j'ai rencontré un homme qui parlait un peu
anglais. C'est à partir de chez lui que mon voyage de
retour a été programmé. J'appris que
j'avais atterri près de Saint Gilles les Bois. Cet
homme de petite taille, mince, portant une moustache, qui
parlait un anglais approximatif, était l'instituteur
du village. En nous rendant chez lui, nous avons
rencontré une voiture portant un drapeau
Français. Elle était occupée par 3
hommes portant un brassard avec un marquage FFI l'un d'entre
eux parlait l'anglais couramment. J'ai cru comprendre qu'il
était commissaire. Il s'adressa à moi et me
dit que les maquisards encerclaient les allemands dans la
région et qu'en traversant une ville la veille, il
avait vu un convoi de camions américains. Ces 3
hommes sont partis à la recherche des autres membres
de mon équipage dans la région mais en
revenant ils annoncèrent n'avoir trouvé
personne. En rentrant dans la ville proche, il y avait 5
camions américains et une Jeep qui étaient
arrêtés. Le convoi était sous le
commandement de 2 lieutenants dépendants du provost
marshall de la 3th Compagnie US. Je suis parti dans ce
convoi et l'on m'a conduit au quartier général
de la 19th aile tactique avancée à Montours en
Ille et Vilaine. Le colonel Brown m'a interrogé sur
mon unité et sur mon identité avant de
m'emmener rencontrer le Général Patton et le
Général Gay qui tous deux m'ont demandé
de leur raconter ce qui m'était arrivé.
Ensuite j'ai été conduit au Quartier
Général de la 9th Airforce où le
capitaine Luris m'a reçu et m'a donné des
ordres ainsi que des consignes et ainsi le 13 août
j'ai été dirigé vers un
aérodrome en Normandie doù je me suis
envolé à bord d'un C-47 vers Londres. En
soirée comme prévu je me suis
présenté au 63 Brook Street.
Photos : http://www.457thbombgroup.org/
Le FO Matassa était originaire de Portola en
Californie. Il était cow boy dans le ranch familial.
Le second lieutenant Chester R. Tingle, qui était le
bombardier de l'équipage, sauta le troisième
d'une altitude de 11500 pieds, et atterri dans un champ de
blé au bord d'un ravin prés de Pontrieux. Il
fut accueilli par des français armés qui lui
on dit que les allemands étaient à une dizaine
de kilomètres et qu'il devait les suivre. Il fut
conduit par les résistants à leur bureau
situé en ville puis peu après à
Guingamp où il attendit pour rejoindre un
aérodrome en Normandie et se rendre à Londres.
Le Sergent Camille Blais, ingénieur dans le civil,
engagé pour 2ans et demi, sauta en quatrième
position. Il ouvrit son parachute à une altitude de
3000 pieds. Il précise ''j'ai atterri dans un champ
à la périphérie de Pontrieux. J'ai
été recueilli par 3 patriotes armés de
mitraillette. Ils m'ont emmené au bureau de la
résistance et de la j'ai été conduit
à Guingamp où j'ai retrouvé un
camarade. Le sergent Collins suivit le même parcours.
Il avait sauté en cinquième position et avait
atterri près dune ferme dans la campagne autour
de Pontrieux. Il fut aidé et conduit à
Guingamp. Le Sergent Thomas Maulstesby quitta le bombardier
en sixième position. Après un saut en
parachute sans problème, il arriva brutalement dans
un champ, se brisant une cheville. Des gens qui l'avaient vu
tomber, vinrent lui porter secours. Il fût
dirigé vers lhôpital civil de Guingamp.
Le sergent Kirkart fut le septième à sauter en
parachute, ouvert à 4000 pieds ( 1200m environ) se
posant sans problème. Aidé par des
résistants, il rejoignit ses camarades à
Guingamp. Le sergent Richard Burdett sauta en
huitième position. Aucune note n'est jointe dans le
rapport de l'équipage à son sujet. Le
neuvième homme qui quitta le bombardier fut le Flying
Officer Samuel Sayer copilote du B-17. Il précise
''j'ai atterri dans un champ au nord de Guingamp entre la
ville et la côte. J'ai été recueilli par
deux Français qui mon emmené dans leur ferme.
Ils m'ont donné à manger et ensuite, ils m'ont
conduit dans une petite ville du nom de Lanvollon. Cette
zone était libérée et
contrôlée par le maquis. En soirée j'ai
été conduis devant une commission
américaine des affaires civiles qui se tenait
à Guingamp. J'ai retrouvé des camarades qui
étaient déjà sur place. J'ai
passé la nuit chez un notaire monsieur Leclerc. Le
lendemain nous avons été dirigés en
camion vers lEtat major du 8th Corps au sud de Saint
Malo (nom de code US. Monarque). Le lendemain avec nos
camarades, nous avons rejoins, à bord de 2 avions
Piper L-5 ,le 19th Tactical Airforce en Nord Cotentin. Un
C-47 nous ramena en Angleterre le 13 août. Le pilote,
le second lieutenant Gérald Ross quitta l'avion en
dernier, il arriva au sol près de Lanvollon mais ne
retrouva pas le lieutenant Sayer. Aidé par des
fermiers, il fut récupéré par des
résistants qui le conduisirent à Guingamp
où il retrouva le le lieutenant Roos qui venait lui
aussi d'arriver en ce lieu. Il passa la nuit
également chez le notaire monsieur Leclerc. Ils
rejoignirent lAngleterre ensembles avec tous leurs
camarades sauf Maulstesby qui resta hospitalisé
quelques jours avant son rapatriement vers Londres dans les
jours qui suivirent.
Témoignage de Monsieur Raymond
LEBARS de Kerdreux en PLOUHA
Mes parents agriculteurs avaient prit
l'exploitation de la ferme de Kerdreux au cours
l'année 1943. Nous habitions dans le manoir
tout proche. Nous devions partager notre habitation
avec des soldats de l'armée d'occupation,
des russes blancs, dont plusieurs étaient
âgés. Ils s'occupaient de leurs
chevaux qu'ils logeaient dans nos étables en
face de chez nous. Nous n'avions pas de
problème particuliers avec eux.
Ce 11 août 1944 en milieu
daprès midi, j'accompagnais plusieurs
adultes qui allaient chercher de la paille dans
notre grand champ qui venait d'être
moissonné. Les jours
précédents les gerbes de blé
avaient été mises en javelles. Nous
étions tous dans une charrette tirée
par un cheval et parcourions le chemin qui va de la
ferme à ce champ quand soudain on entendit
un bruit qui attira l'attention de tous. On vit un
gros avion qui venait du sud ouest et abattait la
cime des arbres dans le bois sur notre droite. Nous
fûmes surpris devant un tel spectacle. Juste
devant nous, l'avion percuta violemment le sol du
champ où nous devions justement nous rendre
puis il rebondit, traversa le talus qui bordait la
voie ferrée du petit train qui passait juste
à cet endroit à cette époque.
L'avion fit encore une centaine de mètres et
vira sur la gauche avant de s'immobiliser. Il
était tourné vers la mer toute
proche. Dans le choc, il avait perdu un de ses
moteurs qui fut retrouvé en bas du champ.
Aussitôt nous avons été voir
cet avion. Nous hésitions à approcher
de peur qu'il explose. Ce ne fut pas le cas
heureusement. Il ne prit pas feu non plus. On peut
dire qu'il était tombé près du
village de Boulserc'h en Lanloup. Après
avoir touché la cime des arbres il fit
environ un kilomètre. Il est probable
qu'avant de quitter le bombardier, le pilote le
dirigea vers la mer toute proche, en pilotage
automatique mais sa trajectoire fut
déviée par le contact avec la cime
des arbres.
Site du crash dans le champ de
Boulsec'h
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Remerciements à Monsieur Raymond Lebars ;
Monsieur Pierre Yves Lebars, Monsieur Jean Yves Le Meur.
Merci à Madame Véronique Veyrié membre
ABSA 39-45 pour son travail de traduction.
Sources MACR Missing air crew report : Les
carnets du Goélo Numéro 17 Année 2001,
récit de Monsieur Gordon Carter.
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