Le 6 juin débarquement des troupes allées et françaises sur les côtes Normandes, beaucoup de soucis, les allemands sont de plus en plus sévères, voir méchants souvent sans pitié. Le couvre-feu est à 19 heures, il faut faire très attention, mon père circule souvent la nuit il pratique le métier de maréchal-expert (autrement dit vétérinaire de campagne), il a réussi à avoir un laissez-passer délivré par la Préfecture, pour donner des soins aux animaux, en particulier les chevaux et les vêlages difficiles.
Le 17 juin 1944.
Un matin comme les autres, un peu brumeux annonçant une belle journée ensoleillée, il est environ 8 heures 30, la famille Gesbert occupe et exploite la ferme de "Quenguen", à environ 500 m du bourg de Maroué.
L'activité de la ferme a commencé comme d'habitude. Deux de mes frères, Lucien et Francis, vont garder les vaches dans le champ derrière la maison "La Clôture", moi, je suis occupé à biner des haricots dans le haut du champ, accompagné de Melle Anne Basset (devenue Mme Carlo, demeurant toujours au "Pramet"), et d'un autre voisin Marcel Philippe (demeurant à la "Corderie", aujourd'hui décédé).
Dans le bas du champ, mon père, M. Gesbert arrive (accompagné du petit dernier de la famille Marcel, âgé de 2 ans ½ à peine pour faucher une charretée de trèfle rouge.
Tout à coup, on entend un bruit d'avions ce qui était très fréquent, un coup d'il en l'air, ils sont deux ..Ils volent à haute altitude, tout à coup un choc en l'air, presque aussitôt deux boules noires sautent dans le vide. Ce sont des parachutistes (un seul pilote à bord dans chaque avion de chasse anglais).
Les fréres Gesbert, devant le moteur du P.47 de Lee retrouvé au cours d'un terrassement prés de la ferme de "Quenguen" a gauche Marcel( celui qui avait deux ans et s'était retrouvé couvert de terre et a droite son frére Joseph qui a écrit l'article
Les avions se sont heurtés en vol ; ils sont désemparés. Notre attention était tellement portée sur les parachutistes et sur l'un des appareils qui plongeait sur Landéhen (celui-ci, tomba, se disloqua sur une longueur d'environ 200 m, labourant champs et talus, entre les "Joncherets" et "La lande Moy". Pendant ce temps, le deuxième appareil qui avait un demi tour, venait s'enfoncer à la verticale dans le bas du champ, à moins de 10 mètres de mon père, et encore plus près de Marcel, le petit frère, qui fut projeté au sol et recouvert de terre, sans toute fois n'être ni touché par les balles, ni par les débris d'ailes et autres, qui volaient en éclats parmi les vaches et dans les pommiers. Quelle frayeur pour tout le monde ! Pour nous dans le haut du champ, pour ma mère qui n'osait venir dans le champ, tellement elle pensait au pire ; il manquait Francis, bien que n'ayant que 10 ans, tant que les balles claquaient, 2 mitrailleuses de gros calibre dans chaque aile du chasseur britannique, bien garnies de bandes de cartouches qui explosaient à la chaleur.
Enfin tout le monde était sain et sauf .
Journée de terreur, les allemands sont fous furieux, ils arrivent à vélo à travers champs ; traversent les parcelles de blés pour retrouver les aviateurs qu'ils appelaient (terroristes Anglophiles), mais ceux-ci avaient été recueillis par des gens de Landéhen.
Au cours de la matinée, mon père envoie Lucien chercher une pioche réclamée par un officier allemand. En arrivant dans la cour, un soldat allemand lui braque son pistolet sous le nez, et lui dit : "papa tout de suite". Mon frère revient aussitôt dans le champ, en pleurant (il n'avait que 13 ans), et raconte à mon père ; celui-ci s'en va, il arrive à l'écurie, un jeune allemand veut atteler une jument, c'est alors que mon père lui fait comprendre qu'il va accompagner sa jument, pour accomplir sa mission. Les allemands avaient réquisitionné chez Frédéric Testu à "La Gautrel", un cochon qu'il fallait emmener avec la jument et le tombereau au château De Launay à "La Déhanne"(lieu de cantonnement de l'armée occupante), arrivés au lieu dit, il fallait désigner un boucher pour tuer le cochon. Les allemands ont présenté le couteau à mon père qui a refusé, alors l'un d'entre eux à saisi le couteau et tranché la gorge du cochon, la suite, nous ne la connaissons pas, car mon père est parti, car il y avait une telle circulation par l'armée allemande, toute la journée et toute la nuit, puisqu'ils avaient mis une patrouille de garde pour surveiller au cas ou les pilotes seraient revenus sur les lieux, idée qui n'était même pas imaginable.
Une histoire vécue parmi tant d'autres, qui pour moi restera gravée dans ma mémoire. Le destin avait voulu, que personne de la famille, ni des voisins, ni des amis qui travaillaient dans le champ ne fut ni blessé, ni touché par la chute de cet appareil anglais, la récupération des deux pilotes par des gens remplis de bonne volonté qui ne craignaient pas les représailles. Une aventure qui marque le temps de l'occupation et le début de la défaite allemande.