Hillion. Côtes du Nord.
Vendredi 21 avril 1944. Lieu dit ''Pivert''. La "Mare
Breussais". En ce milieu de matinée sur
l'aérodrome de la RAF Mount Farm dans le comté
d'Oxford en Angleterre. (Station US Air Force N° 234)
le 1st Lieutenant Jack Emerson (Originaire du Michigan)
reçoit l'ordre d'une mission au dessus des
Côtes Françaises. Cet officier appartient au
7th Photo Reconnaissance Group (Safran Bleu), 27th Photo
Squadron de la 8th Air Force. Son appareil est un Lockheed
P-38 Lightning modèle F-5B -1-LO. Numéro de
série 42-67367. Il aura pour charge de ramener des
clichés photographiques des dernières
défenses allemandes construites sur le littoral Nord
de la Bretagne en cette fin avril 1944.
Le P-38 arriva de face dans ce champ et s'arrêta
peu avant la clôture
Il décolle vers 11 heures. Il est le seul avion
de la mission. La météo est très
favorable, beau ciel bleu, ensoleillé,
confirmé par un témoin. Il restera en contact
radio avec sa base tout le temps de cette mission.
Après avoir traversé la Manche, il aborde la
côte et se déplace d'Est en ouest. Avant midi,
il est en vue de cap Fréhel. La prudence s'impose car
ce site est particulièrement défendu. Une
altitude de plus de 2000 m est à respecter car les
défenses anti-aériennes allemandes sont
redoutables. Le vol se prolonge vers Erquy et le Val
André. Quelques minutes plus tard il approche de la
pointe des Guettes en Hillion. Soudain le Lightning P-38 est
touché sur un de ses moteurs par des obus Allemands,
tirés vraisemblablement du bord de mer par une
unité ennemie stationnée prés de la
plage de Lermot. Le Lieutenant Emerson comprend tout de
suite qu'il ne pourra rentrer à sa base et qu'il est
urgent pour lui de chercher un terrain ou il pourra poser
son avion. Il est trop bas pour effectuer un ''bail out''
éjection pour laquelle il a été
entraîné pendant sa formation. Il est vu
prendre de l'altitude au maximum après avoir
été touché. Manuvre
nécessaire lui donnant une possibilité
d'étudier rapidement la pose de son appareil. Un
témoin rapporte voir l'avion décrire une
grande courbe au dessus de la Baie d'Yffiniac. Par moment
une fumée noire s'échappe d'un moteur, mais
pas en continu. Puis il devient urgent d'entrer dans la
phase d'atterrissage. Témoignage de Monsieur Armand
Briens route des grèves à Hillion.
Malgré mon jeune âge, je n'avais que 9
ans, je me rappelle bien de cet événement.
Nous n'avions pas d'école ce jour là. Mes
parents m'avaient envoyé garder les vaches dans un de
nos champs, près de la mare "Breussais". Cette
pratique était très courante à cette
époque. Un copain faisait la même chose dans un
champ voisin. Je n'étais pas seul. Cela se passait
pas très loin du château des "Aubiers"
où un grand nombre de parachutistes Allemands
séjournaient. De ce lieu nous avions une vue
imprenable sur la baie. Dans toute la région, les
troupes ennemies étaient très importantes.
Nous les voyions très souvent. Ce n'était pas
rassurant. Il me semble que c'était en début
daprès midi, j'ai entendu le bruit d'un avion.
J'ai vu tout de suite qu'il avait des problèmes. J'ai
eus très peur à ce moment là. J'ai
cherché à m'abriter prés d'un arbre. De
cet endroit j'ai vu l'avion décrire une grande courbe
à basse altitude au dessus de la Baie d'Yffiniac. Il
brillait dans le soleil. Il cherchait visiblement à
se poser en urgence. Lors du passage au dessus d'un rideau
d'arbres, un des moteurs se mit à fumer, une
fumée très noire, très épaisse.
Je me trouvais à moins de 100 mètres quand il
arriva vers le grand champ d'en face. Avant de toucher le
sol, heureusement pour lui il survola un chemin où il
aurait pût s'écraser s'il avait
été plus bas. Ce ne fût pas le cas
heureusement. L'avion gris commença un difficile
atterrissage dans une multitude de soubresauts et de
rebondissements en tous genres. Il partait à gauche,
puis à droite, le pilote faisait tout pour le
maîtriser. Il faut dire que le train
datterrissage était sorti. L'avion fini par
s'immobiliser en haut du champ près du chemin qui
longe le bois du château. L'aviateur coupa les
moteurs. Ce fût un grand silence. Agilement il sauta
de son cockpit et parti rapidement vers le groupe de maisons
proche. Il ne se dirigea pas vers moi. Les allemands, qui
logeaient au château, furent rapidement sur les lieux
et partirent à sa recherche. Ils le
capturèrent une heure après dans les
dépendances d'une ferme où il s'était
caché. Des gens virent ce pilote captif emmené
vers le château des Aubiers. Peu de temps après
ces mêmes Allemands le conduisirent dans un side-car
et sous bonne escorte à la Standort Kommandantur
d'Yffiniac. L'avion resta ainsi intact, posé dans le
champ. Par la suite il fût entièrement
démonté et enlevé par l'ennemi.
Le lieutenant Emerson fut arrêté dans une
dépendance d'une ferme au bout de ce chemin
Une personne proche du lieu de son arrestation
rapporta que les premiers soldats qui
lapprochèrent lui prirent son paquet de
cigarettes et s'en offrirent une. En 1951, il fût dit
qu'un groupe d'américains vint sur les lieux. Mais on
ne sût pas si le pilote lui même faisait parti
du groupe. Les problèmes de conversation avec ces
visiteurs furent évoqués. Grâce au
travail de recherche de Yannig Kerhousse, président
de l'Association Gerfaut nous pouvons aborder la
présence des troupes Allemandes dans ce secteur en
cette fin avril 1944, à cette époque, un grand
mouvement de troupes ennemies est en cours sur ce
territoire. Le 11 avril 1944 le groupe de combat
(Kampfgruppe) du colonel Rauch s'installe sur la bordure
maritime des Côtes du Nord. Cet officier
supérieur, commande le 192ème
régiment de Panzer. Tactiquement, ce groupe de combat
est rattaché a la 136ème Stab
Division du Général major Stolberg, l'ensemble
de cette formation est géré par la
21ème Panzer division Neu (Division
blindée). Ce groupe de combat lourdement armé
porte des tenues camouflées que les témoins
prendront pour celles des parachutistes. Il n'en est rien
car les paras n'arriveront dans la région qu'à
partir du mois de mai 1944.
Dans le journal de guerre quotidien de cette
unité, le Kriegtagebuch du 74ème
Corps d'Armée, la chute de l'avion américain
est bien notée ce jour là à 12 heures
15. Par contre l'horaire est différent du rapport
Américain MACR (Missing Air Crew Report
Rapport de disparition de membre d'équipage
aérien) mais correspond mieux au témoignage
recueilli. Selon toute vraisemblance, ce P-38 aurait
été touché par une unité de
défense anti-aérienne allemande
stationnée au lieu dit "Lermot". Il s'agissait de la
4ème Compagnie Lourde (Schwere Kompanie du
192ème Panzer Grenadier régiment.
Cette unité avait en charge 3 pièces de 3,7 cm
flak 36, montée sur tracteur Unic de fabrication
française.
Flak 36, montée sur tracteur Unic de
fabrication française
Le lieutenant Emerson, dans les jours qui suivirent sa
capture, sera envoyé en camp de prisonniers Stalag
Luft III, à Sagan (aujourd'hui Zagan en
Haute-Silésie. Sud-ouest de la Pologne de nos jours).
Au début de l'année 1945, face à
l'avancée des troupes Russes, l'ensemble des
prisonniers de ce camp, avec plus de 6600 américains
sera déplacé et détenu au Stalag Lang
Wasser près de Nuremberg. Le 1st lieutenant Emerson
sera libéré en mai 1945. Il établira
son dernier rapport militaire le 26 juillet 1945.
Jean Michel Martin. Le 1er
février 2012.
Remerciements à Monsieur Armand Briens pour son
témoignage et son accueil. Également à
Michel Pieto pour m'avoir guidé sur le terrain. Et
bien sûr à Yannig Kerhousse pour m'avoir
communiqué ses recherches sur l'occupation Allemande
dans ce secteur d'Hillion au mois d'avril 1944. Merci aussi
à Daniel Dahiot pour la réalisation de ce
dossier sur le site internet de l'ABSA 39-45 .
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