Témoignage de Monsieur VOYER Eugène

J'étais résistant pendant la seconde guerre mondiale et ce fait marquant demeure inscrit dans ma mémoire à tout jamais. Le 23 septembre 1943 j'ai apporté de l'aide au lieutenant Américain Phillip Higdon dont la forteresse volante s'était écrasée à Trémeleuc en Plémet et qui avait atterri près de nous, à "La Croix Glémot". En effet ce jour là, nous étions tout un groupe sur l'aire de la ferme de nos parents à "Ville Méen" à battre du blé noir. Auprès de la batteuse il y avait deux roulements de travail car cette tâche était fastidieuse. Chaque roulement durait une demi-heure auquel alternait une demi-heure de repos. Ce jour la j'étais en compagnie de mon père, mon frère puis d'autres voisins agriculteurs venus nous aider. A ce moment précis nous étions en dehors de la zone de travail, en plein repos quand soudain, j'ai aperçu un parachute de couleur blanche qui descendait lentement vers nous. Au loin on entendait le bruit des moteurs d'avions ainsi que les tirs d'un combat aérien. Les avions allemands tournoyaient autour des bombardiers. Cela se passait assez loin de nous et nous ne fûmes pas inquiétés. Le parachutiste descendait de plus en plus évidemment, venant toujours vers nous et soudain nous l'avons vu disparaître derrière un petit bois distant de nous d'environ 500 mètres. Aussitôt, je me suis mis à courir dans cette direction. J'ai dû chercher longtemps, rejoint par mon frère Joseph qui était un peu plus jeune que moi. Nous cherchions cet aviateur, obligatoirement tombé dans ce coin, quand soudain nous nous sommes retrouvés face à trois hommes à l'autre extrémité de ce bois . J'en connaissais deux qui étaient de chez nous mais le troisième, jeune, nous ne le connaissions pas. Je leur demande si toutefois ils n'auraient pas vu un parachutiste tombé dans les environs il y a quelques minutes. Pas de réponse. Silence total. Un de ces hommes connus de nous me donne un coup de coude et me fait signe du regard en se dirigeant vers cet inconnu. Je comprends tout de suite que cet aviateur que je souhaitais aider est bien la en face de moi .nous échangeons nos regards sans rien nous dire. Je saurai par la suite que mes deux voisins l'ont vu tomber prés d'eux lorsqu'ils travaillaient dans leur champ. Il l'on déshabillé immédiatement et rapidement des vêtements ont été apportés. Il s'est vite retrouvé en tenue de travail et s'est fondu au groupe. Ses effets et son parachute on été enterrés dans le bois et parfaitement dissimilés. Rien dans sa tenue ne paraissait suspect. Il avait sur lui une veste en toile bleue, un pantalon récupéré chez un autre voisin pour raison de taille dans une ferme proche. On le coiffa avec un vieux béret apporté par un voisin qui lui à ce moment la arrachait des pommes de terre dans le voisinage. C'est-ce même voisin qui à l'aide de son couteau coupa les suspentes du parachute et fit un trou dans le bois pour le cacher. Tout fût réalisé en un temps record car les allemands étaient à sa recherche. Le groupe reprit le travail laissé en cours. Il avait un ouvrier de plus. On confia à l'aviateur des outils qu'il n'avait sans doute jamais eut dans ses mains. Les allemands tournèrent en camion dans la campagne environnante mais sans rien remarquer. Ces derniers s'étant éloignés c'est à mon frère et moi que fût confiée la tâche de cacher le pilote. J'avais 16 ans, mon frère 15. Nous sommes partis tous les trois. Ce n'était pas facile car nous ne parlions pas la même langue .Après avoir traversé plusieurs champs, nous sommes arrivés sur un haut talus orné de fougères. Ce talus surplombait un champ assez grand au bout duquel venait naître un bois. Malgré tout je me rappelais de bribes d'Anglais apprises à l'école et qui me permirent de communiquer avec notre américain, mais pas de quoi tenir une conversation. Nous lui avons expliqué qu'il devrait rester en ce lieu, couché jusqu'à la tombée de la nuit. Nous lui avons indiqué sur sa montre l'heure à laquelle nous reviendrions le chercher. Il fit un geste de la tête et nous disait qu'il avait compris. Il nous remercia également en nous serrant la main .Nous avons pris soin en partant de ne pas écraser les fougères, de manière à ne pas attirer l'attention. Nous sommes rentrés chez nous. En parlant nous, nous sommes rendus compte qu'il n'avait pas mangé. Nous décidâmes de lui emmener quelque chose. Mon frère se proposa pour le lui emmener, il avait pris le soin de porter un outil avec lui pour faire semblant d'aller au travail. Je lui laisse le soin de raconter ce qui lui est arrivé. L'aviateur est resté caché chez Monsieur Joseph Le Boudec agriculteur à "La Ville Méen" pendant deux jours à l'étage d'une maison servant de dépendance, le deuxième soir, mon frère fut chargé de le conduire discrètement au lieu dit "Pontgamp" en bas du bourg près de la rivière le Lié où il dut le remettre à un résistant chargé de son évacuation. On avait sût après qu'il avait reçu une fausse carte d'identité ou était précisé sa profession de cordonnier et qu'il était sourd et muet. Je ne sais pas ce qu'il est devenu ensuite. Monsieur Voyer évoque avec une grande tristesse la mort de ses 9 camarades résistants exécutés par les nazis en forêt de Lorge le 14 juillet 1944. L'un de ces malheureux ramassait de la paille avec moi la veille de son arrestation.

Merci à Monsieur Eugène VOYER pour son témoignage et son aimable accueil. Jean Michel Martin. ABSA 39-45

 

Monsieur Joseph Voyer indique le champ près de "La Croix Glémot" où s'était posé le Lieutenant Higdon après son saut en parachute.