LANRODEC. Côtes d'Armor. Vendredi 6 novembre
1942. 23 heures. Chute du bombardier STIRLING.
Immatriculé IR9185. Codé HA-Y.
Ce bombardier Anglais du 218 Squadron de la Royal Air
Force avait décollé de la Base de Downham
Market dans le Norfolk, Est de l'Angleterre pour aller
larguer 4 mines acoustiques dans l'estuaire de la Gironde.
Ces mission de largage de mines sous marines appelée
''Gardening'' se déroulaient la nuit.
Survolant la Baie de Saint Brieuc il fut touché
par des obus allemands tirés d'un chalutier,
armé de postes d'artillerie anti aérienne FlaK
(DCA). Le lourd quadrimoteur de 27 tonnes vint
s'écraser en feu sur la Lande à Bony au lieu
dit ''Le Run'' près du village de Lambarquet en
Lanrodec. L'avion désemparé, en feu, vint
arracher la cime des pins avant de toucher le sol violemment
et creuser un long sillon, ce qui eut pour effet de le
détruire en plusieurs parties, entraînant dans
la mort deux aviateurs, le Sergent Cuming Alister Godfrey,
20 ans de nationalité Canadienne et qui était
le navigateur de cet équipage et le Sergent Kehl
Edouard Carl, 21 ans de nationalité Canadienne
également et qui était le bombardier.
Témoignage de Monsieur Camille Colzer de Plouvara.
Le vendredi 6 novembre 1942 vers 23 heures un
bombardier Anglais était tombé au lieu dit
''Le Run'' en Lanrodec. Nous n'avions pas entendu de bruit
mais une lueur d'incendie avait été
aperçue par certaines personnes du voisinage. Ma
mère et moi au début de la guerre nous
étions venus rejoindre mes grands parents maternels
pour vivre avec eux dans leur ferme au village de Sainte
Marguerite en Lanrodec. Petit village entourant une chapelle
du 18ème siècle dans une campagne
bien tranquille. Mon père était retenu
prisonnier en Allemagne. En ce matin du 7 novembre 1942, aux
environs de 8 heures, j'étais dans la cour avec mon
grand père monsieur Mordelet et je
mapprêtais à partir à
l'école à pied. J'étais
âgé de 10 ans. Quand des bruits de pas ont
attiré notre attention. Nous avons vu un homme jeune
qui venait vers nous. Il était vêtu d'une
vieille veste et coiffé d'un béret
usagé. Mon grand père, qui avait fait la
guerre 14-18, remarqua tout de suite, son pantalon et ses
chaussures qui n'avaient pas de rapport avec le reste de son
habillement. Il avait l'air très fatigué. En
arrivant près de moi, il me dit avec un accent
''petit garçon, aller à l'école'' mon
grand père lui demanda '' Allemand ? ''non
répondit 'il". England ! L'homme simula par un
grand geste long la chute de son avion. Il expliqua comme il
put, que lui même pilotait cet avion qui venait de
s'écraser non loin d'ici, (environ 4
kilomètres). Mon grand père
immédiatement entrepris de s'en occuper et le fit
entrer à la maison où ma grand mère lui
fit un bon repas. Sur ce, je partis pour l'école avec
la consigne de n'en parler à personne. En effet
héberger un aviateur allié nous faisait courir
de gros risques si nous étions découverts, de
plus que les Allemands étaient à sa
recherche.
Ce pilote était Le Sergent Galbraith Hyde
appartenant au 218 Squadron du Royal New Zeland Air Force,
âgé de 24 ans. Après avoir pris son
repas, ma grand mère lui prépara un bon lit ou
il dormi plusieurs heures. Pendant ce temps mon grand
père lui rechercha un ensemble de vêtements
pouvant lui aller de manière à ce qu'il ne
soit pas reconnu. Le soir il mangea avec nous. Après
avoir essayé ses nouveaux habits, il retourna vers
son lit, après nous avoir remercié et
précisa qu'il souhaitait être
réveillé vers 5 heures du matin pour partir
essayer de rejoindre ses camarades qui eux aussi avait
dû se cacher dans la région. Il nous fit voir
son kit d'évasion contenant de l'argent
Français, une boussole, et une belle carte en soie ou
l'on voyait la France. Le matin il était prêt
de bonne heure. Après des remerciements chaleureux,
il se prépara à partir. Il ressemblait
à un cantonnier. Rien ne laissait paraître. Mon
grand père lui donna une petite musette appartenant
à mon père dans lequel il y avait quelques
provisions et du bon pain fait par ma grand mère.
(Cette dernière ravitailla le maquis voisin en pain
pendant plusieurs mois). Il parti à travers champ.
Nous ne l'avons plus jamais revu.
M. Cozler est posté près de la
fenêtre de la chambre où a dormi le Sergent
Galbraith Hyde
M. Cozler montre l'endroit où est tombé
le bombardier anglais
En 1994, j'avais décidé de lui
écrire par l'intermédiaire de l'Ambassade de
Nouvelle Zélande à Paris. Dans un premier
temps je reçu son adresse. Je fis rédiger une
lettre en Anglais. Ma lettre arriva le 18 août 1994
à Taupo (Nouvelle Zélande) où il
résidait. Son fils Timoty se trouvait à son
chevet depuis quelques jours car il était au plus
mal. Ce dernier lui lût ma lettre. Il fit un grand
sourire mais ne dit rien. Il mourut le lendemain. Son fils
me répondit dans les mois qui suivirent et dans sa
lettre je retrouvais tout le parcours difficile du Sergent
après qu'il soit parti de chez nous. Il parcouru un
long périple à travers le nord de la France.
Il s'approvisionnait dans les fermes, mangeait des pommes
dans les vergers. Dormait souvent à la belle
étoile par des nuits froides. Il arriva tout d'abord
à Rennes, y déroba un vélo puis
rejoignit Paris où il pensait trouver de l'aide. Ce
ne fût pas le cas. Il décida alors de prendre
la direction de la Belgique avec l'idée de rejoindre
la Hollande pensant trouver l'aide d'un réseau de
résistance qui le ferait rejoindre l'Angleterre. Il
fût hébergé et soigné dans une
ferme de Montdidier en Picardie car il était atteint
d'une forte grippe. C'est alors que le 31 décembre
1942 après avoir passé plusieurs jours parmi
ce couple d'agriculteurs, les Allemands vinrent
larrêter ainsi que ses deux hébergeurs
suite à une dénonciation. Les fermiers
moururent en déportation. Le Sergent Hyde subit un
interrogatoire musclé à la Gestapo d'Amiens.
Menacé, frappé plusieurs fois, il ne
lâcha rien. Le 2 février 1943 il fût
dirigé sur Francfort où des officiers de la
Luftwaffe (armée de l'air Allemande) lui firent subir
un nouvel interrogatoire où il ne dit rien. On
l'envoya alors vers un camp de prisonniers au Stalag Luft
VIII B pour ensuite rejoindre le camp 344 où il
fût enchaîné 6 mois. Avec d'autres
aviateurs, il décida de s'évader pour cela le
petit groupe se fit incorporer dans un commando de travail
sur l'aérodrome de Gleiwitz dans le sud Est de
l'Allemagne. Ils décidèrent de voler un avion
pour se rendre en Suède, pays neutre. Le lieutenant
James Mac Léod, canadien, pilote de Spitfire,
décida au soir du 23 avril 1943 de se mettre aux
commandes d'un Junker 33, gros biplace monomoteur mais qui
pouvait accueillir le petit groupe. Hélas il fit une
erreur de manipulation d'une commande. Malencontreusement il
ouvrit la trappe de vidange rapide du réservoir de
carburant anéantissant ainsi le projet
d'évasion. Les 4 candidats au départ furent
arrêtés et mis aux arrêts pendant 15
jours avant leur procès. Ils furent jugés et
condamnés à 6 mois de prison militaire SS.
Rejugés de nouveau en avril 1944 pour cette tentative
de vol d'un aéronef, ils furent condamnés
à 2 ans de prison supplémentaires. Ils furent
dirigés vers Lamsdorf. Lors de leur séjour
à Lamsdorf en Silésie (Stalag VIII B),
nouvelle tentative d'évasion en coupant les
barbelés, seul l'un d'entre eux pourra rejoindre la
Suisse où il ira plaider la cause de ses camarades
auprès de La Croix Rouge. Repris le Sergent Hyde sera
enfermé à la prison de Graudenz sur la Vistule
appelée aussi la forteresse de la mort lente.
Dès le lendemain les allemands organisèrent
une fuite collective de tous les prisonniers car
l'étau allié se resserrait rapidement sur eux.
Le Sergent Hyde dans un écrit raconte : Nous
avions marché pendant 1200 kilomètres à
travers l'Allemagne, dans des conditions
épouvantables, nous dormions dans la neige. Comme
seule nourriture, des patates à cochons, des
rutabagas crus, des choux crus enfin... Rien de bon.
J'étais épuisé et affamé. Notre
groupe fût libéré par les
Américains le 11 Avril 1945 . Nous fûmes
ramenés rapidement en Angleterre où je fus
logé dans un hôtel de Brighton où le
personnel ne savais que faire pour nous être
agréable. Je fus rapatrié en Nouvelle
Zélande un mois plus tard. J'avais 27 ans.
Jean Michel MARTIN. Daniel DAHIOT. Le 28 mars
2012
Remerciements à Monsieur Camille COZLER et
à Michel PIETO.
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