Le 21 mai 1944

Laurenan/Saint Jacut du Méné

Spitfire LF.Mk.IXC MJ907

Codé DU-A

312 (Czechoslovak) Squadron RAF

"NON MULTI SED MULTA’’

"Peu d’hommes mais de nombreux actes’’

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Dimanche 21 mai 1944. Laurenan, Saint Jacut du Méné, Côtes d’armor. Atterrissage forcé d’un Spitifire de la Royale Air Force. Piloté par le Warrant Officer Robert Ossendorf du No. 312 (Czechoslovak) Squadron RAF.

 

Devise de l’escadron : "NON MULTI SED MULTA ……’’ "Peu d’hommes mais de nombreux actes’’.

Contexte historique : les 29 et 30 septembre1938 sont signés les "Accords de Munich’’ entre le chancelier allemand A. Hitler et le premier Ministre anglais Neuville Chamberlain ainsi que le Président du conseil Français qui est aussi ministre de la défense Edouard Daladier. Le dictateur italien Mussolini est présent, désigné par Hitler comme observateur. Il est à noter l’absence du Président Tchèque Edvard Benes pourtant concerné directement par cet accord car le troisième Reich réclame l’annexion du territoire sudète à l’Allemagne.

Statue d'Edvard Benes à Prague

 

Ce qui lui sera accordé. Le secrétaire du parti communiste de l’union Soviétique Joseph Staline n’a pas été convié. Cet accord met fin à la crise dite des "Sudètes" et signe par le fait la fin de la Tchécoslovaquie. Ni la France, ni l’Angleterre ne voulaient une guerre en Europe ce qui les incitât à signer cet accord de paix. La France avait signé un traité d’alliance avec la Tchécoslovaquie le 24 janvier 1924 . Ce traité des Accords de Munich ne fût que pure utopie puisque Hitler viola cet accord le 15 mars 1939 en envahissant massivement tout le territoire Tchécoslovaque. Dans ce pays 4000 soldats se refusèrent à cette situation du désespoir. Ils ne voulurent pas voir leur nation tomber sous les coups de ce dictateur allemand. Ils ne sont pas assez nombreux pour organiser une riposte. La seule solution pour ces jeunes hommes c’est la fuite, de manière à envisager une réorganisation dans un pays ami. Pour ces soldats c’est l’exil qui commence. Beaucoup d’entres eux rejoindrons dans un premier temps la France mais aussi les colonies françaises. D’autres rejoindrons directement l’Angleterre. Souvent le parcours de fuite sera long et difficile, dangereux aussi, l’objectif recherché sera d’atteindre les ports de Pologne pour s’y embarquer si possible souvent dans des conditions périlleuses. Le trajet s’effectuera pour beaucoup dans des wagons de marchandises, y compris ceux transportant le charbon. Tout ceci sur une distance d’environ 600 kilomètres. Parmi ces jeunes soldats Tchécoslovaques, figurent quelques aviateurs, pour la plupart déjà habitués à piloter, d’autres ayant eus un début de formation. Nous allons nous intéresser à l’un d'entre eux. Le Warrant Officer pilote Robert Ossendorf né le 29 juillet 1916 à Všeruby prés de Plzen (Nord de la République Tchèque). Engagé dans le 312ème Squadron Tchèque au sein de la Royale Air Force, matricule : 787590 (189 192), âgé de 24 ans. Le Warrant Officer Ossendorf quitte rapidement son pays pour rejoindre la France. Il se retrouve sur la Base Aérienne d’Istres dans les Bouches du Rhône où il suivra un complément de formation de pilote car il a déjà appris à voler dans son pays.

 

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Le Warrant Officer Ossendorf, se trouve au fond, le deuxième à gauche.

 

Il est enrôlé le 2 octobre 1939. En mai 1940 plusieurs aviateurs Tchèques combattrons avec l’Armée de l’Air Française pendant la bataille de France. Il n’est pas possible de retrouver trace de sa participation à ces combats mais on est en droit de penser affirmativement car à la fin de la guerre, il recevra la Croix de Guerre Française avec Palmes. L’invasion Allemande du territoire Français s’accentuant, les forces Armées Françaises quittent notre pays pour pouvoir répondre à l’appel du général de Gaulle (Le 18 juin 1940) et se réorganiser ailleurs. Les pilotes Tchèques font de même. Le Warrant Officer Ossendorf arrivera à Casablanca Maroc, le 28 juin 1940 avec 187 soldats tchèques il quitte ce port en vue de rejoindre l’Angleterre via Gibraltar à bord du ‘’Gib El Dersa’’ navire de commerce appartenant à la compagnie Maritime Midland and Scottish Railway (LMS). Après quelques jours d’escale à Gibraltar le 5 juillet 1940 ils repartirent vers l’Angleterre à bord du "Cidonia". Ils arrivèrent à Liverpool le 16 juillet après 11 jours de mer sans encombre. Immédiatement le groupe des aviateurs rejoignit la base de Duxford dans le Cambridgeshire (abrégé Cambs) où il reçurent à nouveau une formation adaptée au pilotage des chasseurs Hurricane. Les 6 squadrons Tchèques participèrent activement à la stratégie de combat alliée. Affectés tout d’abord à la surveillance et à la protection de la base maritime de Scapa Flow (nord de l'Ecosse), ils participerons aussi aux grands événements de la Seconde Guerre Mondiale, débarquement de Dieppe, D-Day … Ces escadrons changerons régulièrement de base suivant l’évolution du conflit. Dimanche 21 mai 1944, le Warrant Officer Robert Ossendorf est désigné pour une mission de reconnaissance appelée Ramrod 905, mission de reconnaissance armée avec attaque de cibles ennemies à l’opportunité.

 

 

Il pilotera son Spitfire LF.Mk.IXC MJ907, codé DU-A. Douze pilotes du 312 auxquels se joignent des pilotes des 310 et 313 verront 37 pilotes tchèques au total partir au combat au dessus de la France. Tous décollent de la base de Appledram dans le Sussex sud-est de l’Angleterre.

La traversée de la Manche se passe sans problème le Warrant Officer Ossendorf à reçu sa mission, qui commence aux abords du Havre en Seine Maritime. Il sait que les défenses aériennes sont particulièrement intenses pour la protection du port. Quand soudain son avion est touché par un obus Allemand lorsqu’il attaque en piqué une cible ennemie à l’Est de la ville. Sa mission continue car il ne remarque rien qui puisse gêner la bonne marche de son "Spit". Comme prévu il se dirige vers Caen. Puis Cherbourg d’où il opère une descente vers le bas du Cotentin. Puis ensuite il se dirige vers le centre Bretagne. Quand soudain, que se passe t-il ? a-t-il été touché de nouveau ? Suite à l’impact de cet obus l’avion se retrouve t’il avec un problème majeur ? Pas de réponse. Il est dans l’obligation de pratiquer un atterrissage d’urgence en territoire occupé. Le Warrant Officer Ossendorf a déjà été confronté à ce genre de situation. Le 26 janvier 1942 au cours d’un vol d’entraînement au dessus de l’Angleterre il se retrouva avec un sérieux problème moteur qui l’obligea à se poser dans un champ. Ce 21 mai 1944 lorsqu’à nouveau il est confronté à la même situation d’urgence il se trouve à la verticale de la commune de Laurenan, Côtes du Nord à l’époque. Il est environ 12 heures 30, 13 heures. Le pilote tourne en rond recherchant une prairie où il puisse se poser. Après un bref repérage, il perd de l’altitude et au lieu dit "La Grande Lande" proche du village de "La Sauvagère" pose son avion dans cette prairie toute en longueur parallèle au ruisseau appelé "Le Ninian". L’avion se pose, occasionnant des dégâts au train d’atterrissage, une roue s‘étant détachée. Le pilote s’en sort bien mis à part une blessure dans le creux d’une de ses mains.

 

Le Spit du Warrant Officer Ossendorf s'est posé en paralléle de la haie en bas. En haut à droite le village de "La Sauvagère"

 

Témoignage de Monsieur Lessart. Il faisait beau. Nous avons vu cet avion, tourner, très bas, comme s’il voulait atterrir, puis plus rien. C’était en milieu de journée. Au dessus de la petite vallée du "Ninian". Les allemands sont arrivés très vite, nous empêchant d’approcher. Ils ont même tiré sur des gens qui arrivaient au loin, sans les toucher heureusement, le Warrant Officer Ossendorf, est sorti immédiatement de sa carlingue, lors de son atterrissage forcé il a été blessé à un bras et dans sa seconde main, il s'arme de son colt et s'échappe avant l'arrivé des allemands. Il s’est précipité rapidement vers le village de la "Sauvagère" tout proche. Les habitants lui on donné un axe pour fuir car peu de temps après l’ennemi était sur place. Le pilote s’était mis à l’abri dans des taillis et avait entamé une fuite vers le nord en longeant le ruisseau. Les allemands on fouillé et refouillé le coin, ils ont même cherché la roue de l’avion très longtemps jusque dans les maisons, sans la trouver. Sans doute dans le choc avait-elle terminé sa course dans des fourrés. Le pilote Tchèque se retrouve seul dans cette campagne bretonne. Il va devoir mettre en application ce qu’on lui a enseigné en matière de survie en territoire ennemi. Après avoir marché et s’être caché, il arrive au village de "La Hutte à l’Anguille", près de la chapelle Saint-Louis. Il entre dans la cour d’une ferme.

 

"La Hutte à l’Anguille", près de la chapelle Saint-Louis

 

Témoignage de Madame Even, née Mounier, nous avons été surpris de voir cet homme jeune arriver chez nous dans cet accoutrement. Nous avons eus très peur. Notre père était très inquiet et quelque peu désemparé dans cette situation imprévue. De plus il ne parlait pas notre langue. Comment se comprendre ? Rapidement, mon père dit à ma sœur plus âgée que moi, de le guider, de le faire traverser la route proche, qui de plus était très fréquentée par les allemands, et ensuite le conduire un peu dans la campagne en dehors du village. Ma sœur le quitta dans un champ près du chemin menant au village du "Beaujaune" en Saint Jacut du Mené, ma sœur revint et dit à mon père qu’il était parti. Témoignage de Madame Guillot. Nous exploitions une ferme au village du "Beaujaune". C’était la guerre. Mon père était prisonnier en Allemagne. Nous aidions notre mère, malgré notre jeune âge, aux taches de tous les jours. Ce jour là, je m’en rappelle comme si s’était hier. Je venais de conduire les vaches par le chemin creux qui menait à "La Hutte", dans une de nos prairies à environ 500 mètres d’ici. Après avoir fermé, je venais juste de commencer mon chemin de retour pour venir chez nous, que j’entendis derrière moi des pas, j’eus très peur. Je me suis retournée, et j’ai vu ce grand homme, jeune, que je ne connaissais pas. Il portait des habits que je n’avais jamais vu. Je n’ai plus bougé, il s’est approché de moi et m’a parlé dans une langue que je ne connaissais pas. J’ai juste compris le mot ’’Hutte’’ qu’il avait prononcé plusieurs fois. En réalité il me disait venir de ce village, mais je ne le comprenais pas. Je lui ai indiqué la direction de la ‘’Hutte’’ et il est parti en longeant le talus bordant le chemin qui à cette époque n’était pas la belle route actuelle. Qu’elle ne fût pas ma surprise, un peu plus tard, dans l’après midi de le voir traverser notre village en compagnie d’un homme de la résistance Monsieur Pierre Rétif. Il m’adressa la parole, dans sa langue , mais je comprenais bien qu’il me disait l’avoir mal conseillé. J’ai regretté, mais lorsque l’on ne parle pas la même langue ce n’est guère facile.

En effet le pilote s’était retrouvé de nouveau dans la cour de la ferme de Monsieur Mounier à la "Hutte". Ce dernier à nouveau inquiet de le voir revenir appela un résistant pour qu’il puisse le cacher. Monsieur Pierre Rétif l’emmena chez Monsieur Joseph Rouxel agriculteur au "Beaujaune" pour voir si ce dernier pouvait héberger ce pilote quelques jours, le temps de trouver une solution.

Rencontre de Madame Simone Poilvert (100 ans). Ce pilote était d’origine tchèque et cherchait à se réfugier suite à la chute de son avion dans notre région. Le résistant Pierre Rétif le présenta à mon grand père, qui lui dit "qu’il n’avait pas peur des boches" et qu’il pouvait loger chez nous. Je me rappelle qu’il avait 28 ans, il avait tout brûlé dans notre foyer, y compris ses vêtements, ses équipements, ses cartes….. Tout, il a endossé aussitôt les vêtements de travail de Francis mon mari. Il est resté caché chez nous trois semaines. Nous vivions dans la crainte d’êtres découverts et d’être fusillés par les allemands. Il n’était pas question de laisser ce jeune sans protection, sans nourriture et sans abri. Il se cachait dans notre grenier le jour, la nuit il dormait au cellier. Il regardait toujours les avions qui passaient, et ils étaient nombreux à cette époque. Il avait voulu des le départ savoir s’il y avait une porte pour fuir par l’arrière de la maison. Une fausse carte d’identité lui fût faite. Remarquons la démarche courageuse de cette famille qui a tout fait pour protéger ce pilote, exposée elle-même aux risques de cette époque troublée. Lors de notre rencontre, jai présenté à madame Poilvert une phote du pilote, le visage de madame Poilvert s’est rempli d’émotion, "oui, c’est bien lui’’ dit elle, je ne l’avais jamais revu.

 

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M. et Mme Poilvert à la ferme de "Beaujaune"

 

Madame Guillot se rappelle d’une présence discrète de cet aviateur au "Beaujaune". J’ai le souvenir de le voir couper du trèfle avec Francis Poilvert, il menait aussi parfois le cheval par la bride. Monsieur Léon Poilvert se souvient de l’arrivée de ce pilote, s’était un dimanche. En fin d’après midi nous sommes rentrés chez nous après avoir assisté à la "Confirmation" de mon frère en l‘église de Saint Jacut du Mené. Mon grand père nous annonça "Nous avons un Anglais chez nous". Nous avions été très surpris. Madame Simone Poilvert parle de la blessure qu’il avait dans le creux d’une main. Il fût soigné pendant son séjour chez nous. Les enfants connaissaient la présence de l’Anglais comme ils disaient, mais personne ne parla. Il fallut bien trouver une solution pour que ce pilote puisse quitter notre domicile car les risques étaient énormes. Des contacts furent pris avec l’abbé Poilbout recteur de Saint Gilles du Méné qui était un membre actif de la résistance. Une solution fût trouvée. Après ces trois semaines passées avec nous Robert toujours habillé dans des bleus de travail partit en vélo accompagné par un résistant Marcel Josse. Il rejoignit le groupe de résistants de Moncontour ayant pour chef Félix Veillet Deslandelles. Ce dernier dirigeait plusieurs sections. Le samedi 24 juin 1944, le Warrant Officer Ossendorf se trouve en compagnie d’un résistant Jean Kervella au village du "Vaulorin" en Trédaniel. Soudain aux abords du carrefour de la croix, ils aperçoivent un groupe d’une trentaine d’allemands qui se reposent sur le bord de la route qui va de Moncontour à Collinée. Ils décident de les attaquer par surprise. Ils ne sont que deux. Il est peu avant 22 heures. Ils ouvrent le feu. Les allemands ripostent soutenant un feu nourri. Un sous officier allemand est tué et gît dans le milieu du carrefour, son corps sera déposé dans l'église de Trédaniel en fin de soirée d’où il sera enlevé par l'occupant le lendemain matin, dimanche pendant la messe (Hans Arand, 33 ans, il était né le 3 mai 1911 à Tossens (Wilhelmshaven) rapport de la gendarmerie, archives départementales des Côtes d’Armor aimablement confié par monsieur Alain Gallais).

Le Warrant Officer Ossendorf au cours de ce combat est blessé, il reçoit un balle dans une hanche. La balle est arrivée par derrière. Les deux résistants fuient. Les allemands sont à leur recherche. Les résistants bénéficient d’aide parmi la population. Ayant trouvé un refuge sûr. Le blessé est soigné par une résistante Aïde Richard, infirmière et agent de liaison du maquis (Croix de Guerre avec étoile d’argent, médaille de la Résistance, (CVR). Le 28 juin il sera dirigé vers le Manoir de Bréfeillac en Pommeret où madame Lucienne de Ponfilly l’accueillera parmi la centaine d’hommes qu’elle cache dans la foret autour de son manoir.

 

Le manoir de Brefeillac où Robert Ossendorf a été opéré, Mme Lucienne Péan de Ponfilly

 

Acte de courage de cette femme qui aidée par la résistance fera en sorte que ces hommes puissent se cacher et ensuite être sauvés. Témoignage de Monsieur de Ponfilly. Il n’y eus qu’une opération chirurgicale pratiquée ici pendant la guerre. Ma mère hébergeât un pilote d’origine tchèque ayant reçu une balle dans la hanche au cours d’un combat. Le Docteur Darcel de Broons qui venait régulièrement voir les malades ici, pratiqua le retrait de cette balle logée dans sa hanche. Tout se passa bien mais le pilote fût refusé, dans un premier temps, pour un départ par Plouha, du réseau Shelburn en compagnie de deux pilotes Américains. Il partit je crois au départ suivant. Le retour du Warrant Officer Ossendorf est bien signalé le 29 juillet 1944 en Angleterre. Il signale d’ailleurs être rentré par bateau avec d’autres évadés. Il retrouvera sa Tchécoslovaquie en août 1945 où il sera affecté à Prague. Le 5 octobre il sera décoré de la 3ème et 4ème Croix de Guerre Tchécoslovaque. A son retour il demandera à changer de nom de famille. Cela lui sera accordé le 8 octobre 1946 par les autorités de son pays, alors qu’il est toujours actif au 312ème escadron. A partir de ce moment il s’appellera Osensky Robert, il sera démobilisé fin 1946. Rentré dans la vie civile, il trouvera un emploi dans une compagnie aérienne civile, la CSA. Il s’établi dans le sud à Ceské Budejovice. En septembre 1948 il franchira la frontière illégalement et rejoindra le camp allemand pour l’immigration à Schwäbisch Gmünd près de Stuttgart (Bade-Wurtemberg). Il rejoindra l’Angletterre où il est supposé avoir travaillé à l’intelligence service. Il est décédé le 1er février 1955 à l’âge de 39 ans. Il est difficile de dire s’il est décédé dans ce pays et de quelle cause.

Je tiens à remercier la famille Poilvert, Monsieur et Madame Even, Madame Guillot, Monsieur et Madame Bedel pour leur aide et témoignages. Merci également à Jiri Trojan, historien Tchèque, résidant à Pardubice (République Tchèque)

Merci à Monsieur Alain Gallais. Remerciement à Monsieur De PONFILLY pour son accueil et son témoignage.

Jean Michel Martin. Association Bretonne du Souvenir Aérien 39-45, le 27 août 2010.
Photos Jean Michel Martin

Source documentation : Jirí Trojan

1. J. Rajlich: On the Albion Sky, part 5, page 258, 272, 273, 274-21.5.1944 the most black day in history of Czechoslovak Wing, Ramrod 905

2. J. Rajlich: On the Albion Sky, part 7, page 672

Dossier web, Dahiot Daniel

 

 

Eugène Moulin

 

En 2014, Jimmy TUAL de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation (AF.M.D. 22) rencontre Suzanne GORÉ à Saint-Vran. Son père Eugène MOULIN, né en 1900 est porté disparu depuis 1944 et elle pense qu'il a pu être déporté. Jimmy TUAL reprend le dossier depuis le début en lien avec Jean Michel MARTIN de l'Association Bretonne du Souvenir Aérien (A.B.S.A.). C'est tout le déroulé d'un drame qui apparaît ainsi.

Le 21 mai 1944, l'aviateur tchécoslovaque Robert OSSENDORF dit Bob (1916-1954) réalise une mission de reconnaissance avec attaque de cibles ennemies à l'opportunité (mission Ramrod 905) à bord de son Spitfire MK IXC. Son appareil est touché dans le secteur du Havre. Ne remarquant rien de particulier, il poursuit vers Cherbourg, Caen puis la Bretagne. Mais il doit opérer un atterrisage d'urgence le long du Ninian à La Sauvagère à Laurenan. Il parvient à fuir et échappe à la capture. Après une nuit caché dans un bois, il se dirige vers La Hutte à Languille. Pris en charge par les MOUNIER et le Résistant Pierre RÉTIF, il est caché chez les POILVERT au Beaujaune à Saint-Jacut-du-Mené. Il y reste jusqu'au 20 juin. Un groupe de Résistants vient alors le chercher. Ils se rendent chez les MOULIN à La Haie à Saint-Vran. Le fils Robert (1924-2010) est en lien avec la Résistance. Les Résistants veulent s'installer dans la cour de la ferme. La famille proteste mais le chef s'impose et lui donne un bon de réquisition. Le groupe de Résistants repart le lendemain après-midi. L'aviateur est pris en charge par l'O.R. 14 à Moncontour (maquis des Salles à Hénon décimé le 9 juillet 1944) puis à Bréfeillac à Pommeret et est évacué par le Réseau Shelburn à Plouha dans la nuit du 12 au 13 juillet 1944.

La famille MOULIN est cependant inquiétée, probablement victime d'une délation. Le S.D. de Saint-Brieuc arrive à La Haie le 29 juin pour arrêter le père Eugène et le fils Robert. La ferme est brûlée mais seul Eugène est pris. Il est emmené le jour-même au quartier allemand de la maison d'arrêt de Saint-Brieuc. Sur les registres de la prison, 18 hommes dont Eugène sont indiqués comme étant transférés le 10 juillet 1944 à Rennes, partis à 6h30. 17 corps sont enterrés le 10 juillet vers 8 heures dans le bois de Malaunay à Ploumagoar. Le corps d'Eugène MOULIN n'a cependant jamais été retrouvé. Son nom est tout de même inscrit sur le monument des fusillés de Malaunay car on considère qu'il est parti avec les 17 autres.

En 2015, Jimmy TUAL consulte des documents des Archives Départementales des Côtes-d'Armor concernant la commune de Plélo et retombe sur un dossier déjà consulté en 2012. Il y est fait état par les Gendarmes de la découverte du corps d'un homme inconnu abattu par les Allemands le 9 juillet 1944 et retrouvé peu après. Fait rare, le dossier comporte une photographie du cadavre. Et là, une ressemblance évidente le frappe. Cet homme ressemble énormément à Eugène MOULIN. Toutes les personnes contactées constatent avec la même surprise cette situation étonnante. Sa fille et ses neveux sont contactés et reconnaissent formellement, avec l'émotion qu'on imagine, Eugène MOULIN.

 

 

 

Le corps découvert à Plélo le 9 juillet 1944

 

 

Une longue démarche est lancée auprès du Procureur de la République des Côtes-d'Armor, s'appuyant sur une enquête historique minutieuse qu'il n'est pas possible de détailler ici. Mais les éléments concordants sont nombreux (éléments physiques comme la taille et éléments vestimentaires).

Comparons ci-dessous les indications principales entre notre possession sur Eugène MOULIN et l'inconnu retrouvé le 9 juillet 1944 à Plélo. Je fais apparaître en gras les éléments concordants.

 

 

Informations sur Eugène MOULIN (44 ans) au moment de sa disparition
Informations sur l'inconnu du 9 juillet

Taille : 1m611

Le 8 juillet, son épouse lui apporte un dernier colis de ravitaillement et un colis de linge à la maison d'arrêt de Saint-Brieuc. "Il a gardé le colis de ravitaillement et comme linge il a conservé une chemise, une flanelle, un pull-over en laine bordeaux, un mouchoir, une serviette de toilette et il a remis le linge dont il ne se servait pas"2.

Aprèssa disparition, sa famille décrit sa tenue à la Croix-Rouge. Il est habillé d'une "culotte de velours vert foncé et d'un veston bleu en molesquine usagée, il était chaussé de gros souliers montants et de chaussettes bordeaux, une chemise blanche rayée de bleu et comptant de nombreuses pièces, une flane.3

Taille : 1m65 environ

L'homme est âgé d'une quarantaine d'années, il mesure 1m65, il est brun. Il porte un paletot en coton bleu de la marque "Mont-Saint-michel", une chemise à rayures bleues, un chandail en laine marron neuf, un pantalon de velours marron, des chaussures neuves avec des clous (une paire de souliers cloutés), au bout de chaque soulier se trouvent 5 gros clous "dents de vache"4.

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C'est la date inscrite sur le registre de la prison de Saint-Brieuc (le 10 juillet) qui a induit tout le monde en erreur depuis 1944. Début décembre 2017, l'inconnu de Plélo est enfin reconnu comme étant Eugène MOULIN en date du 12 juin 2017. Un mystère éclairci et un deuil possible pour une famille.

En 2016-2017, deux classes de 3ème du collège public Per Jakez Helias de Merdrignac ont travaillé avec Jimmy TUAL sur cette période en menant une enquête historique sur la disparition d'Eugène MOULIN en se rendant notamment au musée de Saint-Connan, à La Butte Rouge à L'Hermitage-Lorge et aux Archives Départementales dans le cadre du dispositif Retour aux sources d'archives. Cette année 2017-2018, un nouveau travail inter-disciplinaire est mené avec trois classes de 3ème plus centré sur le parcours de l'aviateur dans le cadre du CNRD. Jean Michel MARTIN est également à chaque fois venu faire une conférence à destination des élèves pour retracer le parcours de Robert OSSENDORF.

 

 

  1. 1Fiche matricule d'Eugène MOULIN, année 1922, bureau de Sant-Brieuc, matricule 115.

 

2ADCA 165J2 Canton de Merdrignac, rapport de la Croix-Rouge française sur l'affaire Eugène MOULIN certifié par plusieurs témoins et le maire.

 

3ADCA 165J2 Canton de Merdrignac, rapport de la .Croix-Rouge française sur l'affaire Eugène MOULIN certifié par plusieurs témoins et le maire..

 

4ADCA 2W80 Commune de Plélo, rapport n°249 de la Brigade de Gendarmerie de Châtelaudren des 9 et 10 juillet 1944.

 

Résumé de l'enquête menée par Jimmy TUAL, membre de l'A.F.M.D. 22 et de l'A.B.S.A. Janvier 2018