Le 6 juillet 1944, vers 15h, le lieutenant Barnes,
volait en position 3 jaune dans poursuite, il a vu un camion
à cinq heures. Je ne pouvais pas localiser le camion,
alors j'ai donné l'ordre au Lt. Barnes de le plomber.
Il a plongé vers la droite et à environ 400 mt
il a vu un train. Son attaque était d'environ
20° en piqué. Je l'ai vu tirer une rafale mais
il était presque dans la cime des arbres.
Comme il tirait toujours son avion était en
feu, il semblait se disintégrer, et presque
immédiatement il a explosé à environ
100 mètres d'une haie d'arbres. J'ai fait un passage
en cercle et je pouvait voir un petit feu et quelques
morceaux éparpillés.
1st Lt. John R. Shummay
Madame,
Le Maire me communique la demande de renseignements
que vous avez adressée au consulat français,
au sujet de votre fils.
Mon père et moi étions au nombre des
personnes qui ont relevé son corps quelques instants
après l'accident. Je comprends que vous soyez en
quête de détails, et suis fort
étonnée qu'après tant d'années
vous n'ayez pu avoir plus tôt. Aussi je me fais un
devoir de vous répondre rapidement pour vous dire ce
que je sais de la fin tragique de votre fils, dont je me
rappelais d'ailleurs fort bien le nom.
Par cet après-midi de juillet, nous
étions un groupe d'hommes et de femmes, membres des
équipes d'urgence de la croix rouge en exercice
d'alerte. Notre petite localité, très calme,
n'a subi aucun bombardement ni dommages de guerre ; nous
voyions seulement passer les escadrilles qui se dirigeaient
sur les grands centres voisins et nous ne pensions
guère que nos services allaient très
utilisés presque aussitôt.
Le bruit d'avions survolant Derval assez bas, attira
d'abord notre attention ; nous regardions un appareil qui
tout, à coup piqua sur la gare, une minuscule gare
où ne passent que tous ou quatre trains par semaine,
erreur d' objectif f ? peut-être. Nous entendions
immédiatement le bruit d'une bombe
éclatée à quelque distance, puis un
mitraillage. Quelques instants après, la docteur
appel chez qui nous étions, arrivant de visiter un
malade, nous a apprenait que sa voiture,
arrêtée tout près de la voie
ferrée, avait, été l'objet de ce
mitraillage. Votre fils croyait sans doute attaquer une
voiture allemande il piquait droit dessus, comme je vous
l'ai dit, mais descendant trop bas, il s 'embarrassa dans
des branches d'arbres et des fils
téléphoniques et ne put redresser. Il rasa
alors, sans aucun accident d'ailleurs, les quelques maisons
voisines de la gare et s'écrasa 200 mètres
plus loin, dans un champ ; l'explosion fut entendu fort
loin. C'est alors que nous nous sommes dirigés sur le
lieu de l'accident, quelques messieurs au nombre desquels se
trouvait mon père, recueillirent les restes de votre
pauvre garçon et les transportèrent à
la mairie de Derval. Un petit paquet fut trouvé sur
lui, et contenant sans doute ses papiers, fut aussi remis
aux autorités. Nous ne savions pas alors de qui il
s'agissait mais je me souviens avoir vu une main de votre
fils, et je me rendis compte qu' il s'agissait d'un jeune
homme. Nous étions tous atterrés ; je fus
d'autant plus frappée que l'un de mes cousins
également aviateur, et était disparu depuis
quelques mois plus tôt dans un accident
semblable.
Une cérémonie religieuse fut
célébrée le lendemain à
l'église catholique puis le corps fut inhumé
au cimetière. De nombreuses personnes assistaient aux
obsèques, une collecte de fleurs avait
été faite dans les familles du bourg, et
d'ailleurs sa tombe fut souvent fleurie car la
suite.
Quelques jours plus tard un officier américain,
venu à Derval pour obtenir es renseignements sans
doute, nous parla de l'accident mais préféra
ne pas se rendre sur les lieux; il paraissait fort
attristé. C'est de lui sans doute que vous tenez les
quelques renseignements que vous possédez.
Voici, Madame, le peu que je puisse vous lire des
derniers moments de votre fils. Il est tombé en
faisant son devoir, et vous ne pouvez qu'être
fière de lui. Quant à nous, nous avons agi
comme nous le devions envers un soldat allié, il n'y
a là aucun mérite spécial, croyez-le.
En vous assurant de ma sympathie, je vous prie de croire,
Madame à mon respectent.
Signé : Marie-Anne Gautier. Derval le 13
août 1951.
DERVAL VIE RURALE AU XXème
SIÈCLE
1900 - 1950
Le 6 juillet 44, Derval est témoin d'un grave
accident aérien dont la victime est un
Américain.
Vers les 15 heures, un groupe de trois avions de
combat "Thunderbolt" venant de Rennes arrive dans le ciel
à hauteur de Derval. Quand tout à coup l'un
deux plonge à partir du Boschet, étêtant
sur son passage les arbres bordant la route qui conduit
à la gare et s'écrase dans un pré
distant d'une centaine de mètres de celle-ci.
Que s'est-il passé ? Selon la version retenue
à cette époque, il semble que cet aviateur, le
lieutenant Robert G. Barnes, en voulant mitrailler la
voiture du docteur Capel qui passait
précisément à cet endroit et qu'il
avait sans doute prise pour une voiture ennemie, aurait
alors perdu le contrôle de son appareil en accrochant
la cime des arbres, ce qui aurait provoqué l'accident
et sa mort.
Il existe une seconde version qui n'a pas
été prise au sérieux, sans doute parce
qu'elle venait d'un enfant d'une dizaine d'années et
que peut-être celle-ci "arrangeait" moins !
J'étais à garder mes vaches sur la butte
de la Grée, entre le moulin "du Thu" et le bois du
Boschet lorsque je vis arriver sur moi un groupe d'avions.
De l'un d'entre eux se dégageait une épaisse
fumée, puis il perdit de l'altitude. Quelques minutes
après, j'entendais un énorme bruit et compris
qu'il venait de s'écraser.
Si on prend en compte cette version, il est permis de
penser que cet avion ait pu avoir un ennui de moteur ou
qu'il ait été touché par la D.C.A. de
Rennes (ou d'ailleurs).
En constatant la chute de l'un d'entre eux, les autres
aviateurs qui se dirigeaient vers le sud firent demi-tour et
lachèrent quelques bombes dans la région.
Peut-être pour saluer leur camarade ? On a
prétendu qu'une bombe serait tombée
derrière le calvaire du Pas d'Hin sans que l'endroit
ait pu être véritablement
matérialisé.
Dans les minutes qui suivirent cet accident, plusieurs
personnes se rendirent sur les lieux. Les unes emportaient
une pièce de métal d'avion, un peu comme on
emporte une relique. D'autres s'activaient à
récupérer les restes du malheureux pilote. Sa
dépouille mortelle fut conduite à la morgue de
l'Hospice. Le lendemain avait lieu la sépulture dans
le cimetière de Derval. On dit qu'un groupe d'environ
une centaine d'hommes et quelques femmes accompagnaient le
cercueil de cet aviateur allié et que deux
Feldgendarmes allemands, en side-car, se tenaient le long du
cortège funèbre et qu'ils lui rendirent les
honneurs militaires.
Plus tard, après la libération, une
délégation d'autorités locales vint se
recueillir sur sa tombe. Une photo immortalisant cette
manifestation est demeurée introuvable. Après
la guerre, en 1945, le cercueil de Robert G. Barnes sera
exhumé et partira vers son pays natal : les
Etats-unis.
|