Le 6 juillet 1944

Derval

P-47D-25-RE #42-26704

"Blackie"

Codé B8-?

362th FG / 379th FS


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Le 6 juillet 1944, vers 15h, le lieutenant Barnes, volait en position 3 jaune dans poursuite, il a vu un camion à cinq heures. Je ne pouvais pas localiser le camion, alors j'ai donné l'ordre au Lt. Barnes de le plomber. Il a plongé vers la droite et à environ 400 mt il a vu un train. Son attaque était d'environ 20° en piqué. Je l'ai vu tirer une rafale mais il était presque dans la cime des arbres.

Comme il tirait toujours son avion était en feu, il semblait se disintégrer, et presque immédiatement il a explosé à environ 100 mètres d'une haie d'arbres. J'ai fait un passage en cercle et je pouvait voir un petit feu et quelques morceaux éparpillés.

1st Lt. John R. Shummay

 

Madame,

Le Maire me communique la demande de renseignements que vous avez adressée au consulat français, au sujet de votre fils.

Mon père et moi étions au nombre des personnes qui ont relevé son corps quelques instants après l'accident. Je comprends que vous soyez en quête de détails, et suis fort étonnée qu'après tant d'années vous n'ayez pu avoir plus tôt. Aussi je me fais un devoir de vous répondre rapidement pour vous dire ce que je sais de la fin tragique de votre fils, dont je me rappelais d'ailleurs fort bien le nom.

Par cet après-midi de juillet, nous étions un groupe d'hommes et de femmes, membres des équipes d'urgence de la croix rouge en exercice d'alerte. Notre petite localité, très calme, n'a subi aucun bombardement ni dommages de guerre ; nous voyions seulement passer les escadrilles qui se dirigeaient sur les grands centres voisins et nous ne pensions guère que nos services allaient très utilisés presque aussitôt.

Le bruit d'avions survolant Derval assez bas, attira d'abord notre attention ; nous regardions un appareil qui tout, à coup piqua sur la gare, une minuscule gare où ne passent que tous ou quatre trains par semaine, erreur d' objectif f ? peut-être. Nous entendions immédiatement le bruit d'une bombe éclatée à quelque distance, puis un mitraillage. Quelques instants après, la docteur appel chez qui nous étions, arrivant de visiter un malade, nous a apprenait que sa voiture, arrêtée tout près de la voie ferrée, avait, été l'objet de ce mitraillage. Votre fils croyait sans doute attaquer une voiture allemande il piquait droit dessus, comme je vous l'ai dit, mais descendant trop bas, il s 'embarrassa dans des branches d'arbres et des fils téléphoniques et ne put redresser. Il rasa alors, sans aucun accident d'ailleurs, les quelques maisons voisines de la gare et s'écrasa 200 mètres plus loin, dans un champ ; l'explosion fut entendu fort loin. C'est alors que nous nous sommes dirigés sur le lieu de l'accident, quelques messieurs au nombre desquels se trouvait mon père, recueillirent les restes de votre pauvre garçon et les transportèrent à la mairie de Derval. Un petit paquet fut trouvé sur lui, et contenant sans doute ses papiers, fut aussi remis aux autorités. Nous ne savions pas alors de qui il s'agissait mais je me souviens avoir vu une main de votre fils, et je me rendis compte qu' il s'agissait d'un jeune homme. Nous étions tous atterrés ; je fus d'autant plus frappée que l'un de mes cousins également aviateur, et était disparu depuis quelques mois plus tôt dans un accident semblable.

Une cérémonie religieuse fut célébrée le lendemain à l'église catholique puis le corps fut inhumé au cimetière. De nombreuses personnes assistaient aux obsèques, une collecte de fleurs avait été faite dans les familles du bourg, et d'ailleurs sa tombe fut souvent fleurie car la suite.

Quelques jours plus tard un officier américain, venu à Derval pour obtenir es renseignements sans doute, nous parla de l'accident mais préféra ne pas se rendre sur les lieux; il paraissait fort attristé. C'est de lui sans doute que vous tenez les quelques renseignements que vous possédez.

Voici, Madame, le peu que je puisse vous lire des derniers moments de votre fils. Il est tombé en faisant son devoir, et vous ne pouvez qu'être fière de lui. Quant à nous, nous avons agi comme nous le devions envers un soldat allié, il n'y a là aucun mérite spécial, croyez-le. En vous assurant de ma sympathie, je vous prie de croire, Madame à mon respectent.

Signé : Marie-Anne Gautier. Derval le 13 août 1951.

 

DERVAL VIE RURALE AU XXème SIÈCLE

1900 - 1950

 

Le 6 juillet 44, Derval est témoin d'un grave accident aérien dont la victime est un Américain.

Vers les 15 heures, un groupe de trois avions de combat "Thunderbolt" venant de Rennes arrive dans le ciel à hauteur de Derval. Quand tout à coup l'un deux plonge à partir du Boschet, étêtant sur son passage les arbres bordant la route qui conduit à la gare et s'écrase dans un pré distant d'une centaine de mètres de celle-ci.

Que s'est-il passé ? Selon la version retenue à cette époque, il semble que cet aviateur, le lieutenant Robert G. Barnes, en voulant mitrailler la voiture du docteur Capel qui passait précisément à cet endroit et qu'il avait sans doute prise pour une voiture ennemie, aurait alors perdu le contrôle de son appareil en accrochant la cime des arbres, ce qui aurait provoqué l'accident et sa mort.

Il existe une seconde version qui n'a pas été prise au sérieux, sans doute parce qu'elle venait d'un enfant d'une dizaine d'années et que peut-être celle-ci "arrangeait" moins !

J'étais à garder mes vaches sur la butte de la Grée, entre le moulin "du Thu" et le bois du Boschet lorsque je vis arriver sur moi un groupe d'avions. De l'un d'entre eux se dégageait une épaisse fumée, puis il perdit de l'altitude. Quelques minutes après, j'entendais un énorme bruit et compris qu'il venait de s'écraser.

Si on prend en compte cette version, il est permis de penser que cet avion ait pu avoir un ennui de moteur ou qu'il ait été touché par la D.C.A. de Rennes (ou d'ailleurs).

En constatant la chute de l'un d'entre eux, les autres aviateurs qui se dirigeaient vers le sud firent demi-tour et lachèrent quelques bombes dans la région. Peut-être pour saluer leur camarade ? On a prétendu qu'une bombe serait tombée derrière le calvaire du Pas d'Hin sans que l'endroit ait pu être véritablement matérialisé.

Dans les minutes qui suivirent cet accident, plusieurs personnes se rendirent sur les lieux. Les unes emportaient une pièce de métal d'avion, un peu comme on emporte une relique. D'autres s'activaient à récupérer les restes du malheureux pilote. Sa dépouille mortelle fut conduite à la morgue de l'Hospice. Le lendemain avait lieu la sépulture dans le cimetière de Derval. On dit qu'un groupe d'environ une centaine d'hommes et quelques femmes accompagnaient le cercueil de cet aviateur allié et que deux Feldgendarmes allemands, en side-car, se tenaient le long du cortège funèbre et qu'ils lui rendirent les honneurs militaires.

Plus tard, après la libération, une délégation d'autorités locales vint se recueillir sur sa tombe. Une photo immortalisant cette manifestation est demeurée introuvable. Après la guerre, en 1945, le cercueil de Robert G. Barnes sera exhumé et partira vers son pays natal : les Etats-unis.

 

GO
Photo, documents, Pierre Mahé