"Les Chênes Froids" |
Retracer la vie des Monterfilois sous l'Occupation, Alexandre Boucard y pensait depuis longtemps. Déjà, à l'occasion du 8 mai 1994 dans son discours devant le monument aux morts de la chapelle Saint Genou il évoquait d'une voix passionnée ce que fut cette période. Depuis conforté par le soutien chaleureux de ses amis, l'idée de recueillir les propos des témoins de l'époque faisait son chemin. Aujourd'hui, c'est une chose faite. Historien, Alexandre Boucard ? Je dirais plutôt reporter du passé. Car c'est avec son magnétophone qu'il est allé de maison en maison, de connaissance en connaissance, écouter les grandes et les petites histoires qui ont marqué cette période. De ce long pèlerinage il a rapporté une masse d'informations, d'instantanés et de tranches de vie. C'est avec humilité, s'effaçant devant le fait restitué. Qu'il la retranscrit ce qu'il était grand temps de récolter, car de cela il y a déjà cinquante ans. Toutes ces informations, nous les avons classées, parfois réécrites, complétées, vérifiées. Nous nous devions d'y apporter tout ce soin, conscient de l'importance de leur véracité et de leur exactitude. De tout cela est né un document où au détour d'une phrase, d'une expression ou d'un petit détail, l'on voit vivre les Monterfilois pendant cette sombre période. A la lecture, on s'aperçoit également que nous nous trouvons en face d'une série de photographies d'époque. Des personnages sont là, dans l'événement, avec leurs réactions et leur parler vrai. Toute une atmosphère qui, par petites touches, nous replonge dans la grande et belle ruralité du Monterfil d'alors. Cet ouvrage, s'il est Histoire, est aussi l'expression d'une reconnaissance et d'un hommage, Reconnaissance aux Monterfilois qui m sont montrés dignes dans l'adversité. Hommage à tous ceux qui sont engagés dans la lutte contre l'occupant et particulièrement a ceux, qui ont payé leur engagement de leur vie. Hommage aussi à tous ceux ont versé, comme les prisonniers, un lourd tribut à l'oppression nazi. Ce travail, en ces temps de célébration du cinquantenaire de la reddition allemande, était à faire. Alexandre Boucard s'en est acquitté avec passion. Beaucoup se reconnaîtront, leurs proches dans ce document qui fait désormais partie de notre patrimoine. Georges DUVIVIER |
Dans un premier temps, j'ai photocopié sur le cadastre la partie qui nous intéressait. Je l'ai expédiée à mon frère ainé Pierre Boucard, habitant Clécy dans le Calvados, mais au moment des faits, aide familial chez nos parents aux Couëttes. Il m'a proposé de faire un premier croquis du site de l'époque. Muni de ce document je suis allé voir sept autres personnes pour vérifier ce qui semblait exact ou inexact ou pour compléter.
Les personnes vues sont les suivantes : Pierre Lefeuvre La Perrière-Cholet, à Haute Lande au moment des faits. Pierre Orain retiré à Bréal, aux Epinais au moment des faits ; Georges Pattier Allée de Bel-Air, a travaillé sur le camp pour l'entreprise "La Parisienne", a participé à la démolition du camp. André Renault La Russotais au Verger, au Pâtis en Iffendic au moment des faits. Ernest Morel de Montfort, ouvrier au Logis pendant toute la guerre, a participé à la démolition du camp.
Je suis allé sur le site avec François Boucard (Trébriand) aide familial à l'époque chez ses parents et Léon Boivin (Le Clos Paisible) également chez ses parents à la Vieille Aire. Ils m'ont aidé à mieux situer le positionnement des baraques et des vestiges toujours existants comme le pilier du radar vers l'Etunel masqué sous la végétation. Certains vestiges aujourd'hui pourraient représenter un danger tels les wc et le puits ; il serait bon d'y faire une expertise. En 1976, lors de la sécheresse, 18 fusils allemands ont été découverts dans la mare d'eau, se situant auprès de l'antenne-gonio, nord-est.
Partant de cette visite sur le site et du témoignage de toutes ces personnes j'ai pu, malgré l'envahissement de la végétation, déterminer approximativement l'emplacement des baraques, leur nombre, le contour et les limites du camp. D'où le plan que nous publions. L'animation de ce plan où sont représentés les faits importants qui out marqué la vie de ce camp, est dûe à un spécialiste du dessin, Bertrand Quignon. Chacun pourra apprécier la qualité de son travail. C'est vraiment du grand art... militaire.
Enfin, une remarque : tous les témoignages le confirment, l'attaque anglaise a toujours été très précise, ce qui établit bien le lien entre la résistance, le plan et l'utilisation que les Alliés en ont faite. A aucun moment les objectifs militaires (radars et antennes) n'ont été détruits, tout juste légèrement endommagés. Ce sont les Allemands qui, lors de leur fuite, les ont mis hors d'usage.
Alexandre BOUCARD |
"Pour moi la construction du camp n'a commencé qu'au mois de juin 1943. Un jour on les a vus arriver avec du matériel, fin juin. On se doutait qu'il y aurait eu quelque chose mais on ne savait quoi. Au début de l'année 1943, jusqu'à l'ouverture du chantier ils habitaient par le bourg, ils prenaient des photos, ils avaient des appareils pour mesurer les distances, sans doute pour faire des plans, mais tout ça c'était secret. On ne savait rien. La ligne de téléphone (32 fils) fut construite au début. Ce sont des prisonniers russes qui y travaillaient. Ils sont rentrés dans les champs sans demander à personne, ils nous ont dit "on prend ça", à nous d'enlever les récoltes ! Même s'ils ne prenaient pas tout, le champ était pratiquement inutilisable. Ca a été très vite, il y a eu deux entreprises, une entreprise allemande "Epler" et une française "La Parisienne", qui était dirigée par un Monsieur Tambourg. Eux ils travaillaient sur les radars côté Trébriand, et les Allemands côté des Epinais. Il y avait une centaine de civils à y travailler, même certains venaient du Morbihan, ainsi que toutes les personnes réquisitionnées. Il y avait un Mr Gatti, Italien, il est resté après la guerre. Les baraques étaient amenées sur camions en panneaux et assemblées sur place. Celle des femmes était enterrée et, tout autour, il y avait un boyau-abri de 100 mètres, recouvert de plisse d'herbe, si bien qu'on ne voyait rien. Elles pouvaient se mettre à l'abri en cas d'alerte. Nous on sait quand les femmes sont arrivées, nous étions tenus de fournir du lait, disons fin de l'été, pour moi. Elles étaient une cinquantaine, en hommes de troupe disons : 70-80. Le commandant du camp pour moi n'était qu'un Lieutenant, les derniers temps, il logeait au château. Le matin on pouvait le voir passer vers 7 heures, à pied dans la vallée de l'Arche. Si la résistance lui avait fait un mauvais sort, je ne sais pas ce qui se serait passé.
Au début de 1944 ils ont acheté quatre vaches, et semé du grain dans les champs faits par les agriculteurs réquisitionnés ; je pense qu'ils devaient piquer des betteraves". Témoignage de Pierre ORAIN, en retraite à Bréal, né en 1920 aux Epinais. |
"Pour moi, il y a eu deux mitraillages. Le premier au mois de mars : deux avons sont passés mais il n'y en a qu'un qui a tiré, sur l'antenne qui se trouvait dans le haut de la route des " corrouées ", route de Monterfil. Des morts et des blessés, combien ? Ils ne nous ont pas invité à aller voir, mais les ambulances sont arrivées. I1 y eut aussi le passage d'une centaine d'avions au mois d'avril mais là, ils n'ont pas tiré, nous étions à faire des pommes de terre dans un champ le long de la clôture barbelée du camp avec Ferdinand Nogues. Il y avait, Denise, sa fille, qui était gamine, mes deux surs, Anna et Cécile, qui ne savaient plus où se mettre, étaient avec Pierre Guérin à l'autre bout du champ. Pierre s'est écrié : "Bougre, on va tous mourir ! ". Il avait pourtant fait la guerre 14-18,.. Dés que les premiers avions sont passés j'ai dételé la charrue pour envoyer les chevaux s'en aller mais ils ne voulaient pas partir, Nous nous sommes mis à l'abri dans un chemin le long d'un talus. Ils passaient en formation sur une largeur de la Morandais à la vallée du Gué-Charet-l'Etunel, ils venaient de mitrailler Gaël, le camp d'aviation. Ils allaient sur St-Jacques pareil. S'ils avaient lâché une rafale chacun en passant, ça aurait fait mal et je ne serais sans doute plus là pour raconter. Les Allemands tiraient avec tout ce qu'ils avaient. Le deuxième mitraillage a eu lieu au mois de juillet. Là il devait en avoir deux ou trois, peut-être plus. J'étais sur la vallée de l'Etunel avec une de mes surs, Anna, à travailler dans les champs. Nous étions aux premières loges. On a pensé que c'était pour l'Etunel, nous nous sommes mis à l'abri dans un creux. C'est le réfectoire qui était visé. Un quart d'heure plus tard ils étaient tous à manger sauf les sentinelles, ça aurait fait mal. Je pense qu'ils venaient pour ça. Moi je n'étais pas au courant du groupe de résistants sur le camp, par contre, je sais qu'il y avait un Alsacien de Strasbourg dans l'armée allemande. Le jour de l'arrivée des Américains il aurait rejoint la résistance. C'est probablement lui qui était chargé de faire sauter les baraques, côté Epinais. Chose qu'il ne fit pas. Il avait une vingtaine d'années ".
Témoignage de Pierre ORAIN |
"J'avais 15 ans en ce mois de juillet 1944. D'habitude, nous étions les uns et les autres placés pour travailler, ou garder les vaches dans les fermes.
Mais avec le débarquement, nos parents ont tenu à ce que nous restions à la maison. On ne sait jamais, s'il avait fallu partir, pour aller où ?... (Nos parents exploitaient une ferme moyenne pour l'époque, 12 hectares, un cheval, un buf et une dizaine de vaches). Des voisins, réfugiés de Rennes, avaient un poste à galène, et se tenaient au courant de l'avance des Alliés. Il y avait de la fièvre dans les esprits. C'était une situation d'attente et de troubles à la fois. Cette matinée du 7 Juillet, j'étais avec ma sur Marguerite à sarcler quelques rangs de légumes (carottes, haricots etc... ) dans un champ situé vers le haut du village des Couettes.
Un de mes frères gardait les vaches. Tout en sarclant, nous devisions, ma sur et moi, toujours inquiètes au moindre bruit suspect, surtout les avions. Ce dont je me souviens : c'est que nous arrivions à reconnaître au bruit du moteur, si ces avions étaient : anglais, américains ou allemands. Un chasseur ou un bombardier. Instruites par les tracts qui tombaient sur la campagne nous parvenions à les identifier. Drôle d'instruction, mais pour nous, jeunes, c'était comme un jeu. Soudain, volant à basse altitude, venant de la direction de Montfort (d'ordinaire, les avions alliés volent haut, pour éviter la D.C.A.), des chasseurs arrivent. Après un virage, ils prennent la direction du camp.
Ma sur, plus consciente du danger, était allée avec mon frère se cacher dans un petit fossé, au bas du champ. Une protection bien dérisoire, mais c'était instinctif. Mais moi, je suis comme figée, inconsciente du danger, je voulais regarder ce ballet d'avions, crachant le feu de toutes leurs mitrailleuses, c'était spectaculaire, bien sûr. Mais, lorsque nous apprendrons ce qui s'était passé, c'était quand même meurtrier. Cela ne dura que quelques minutes, mais qui semblent, dans l'instant, une éternité pour ceux qui le vivent.
Je me rendrai compte plus tard, que, ma sur, plus âgée, n'avait pas vécu cet instant de danger comme moi, bien imprudente ! Chacune a sa propre réaction.
L'attaque a été organisé par 8 Spitfire LFVb, du 611 Squadron (West Lancashire), décollage du terrain de Predannack dans le Devon.
"L'émotion est à son comble"
Ce temps de danger passé, je ne sais plus si nous sommes rentrés tout de suite, mais quand nous revenons au village, l'émotion est à son comble. En effet, Eugène Lebé (mon futur mari), se trouvait, lui, sur le camp avec son cheval et sa charrette, réquisitionné pour une corvée d'eau, comme tous les fermiers ; l'occupant ne se souciait pas des situations familiales : Eugène, à 14 ans, avait dû remplacer sou frère Victor, mobilisé et fait prisonnier. Leur père était mort en 1938. Ils exploitaient avec leur mère la ferme d'environ 14 hectares.
Donc, ce jour-là, sa maman voit le cheval rentrer à la ferme, complètement dételé, pas de charrette, bien sûr, et surtout pas de charretier. Elle imagine le pire, comme nous sommes voisins, elle vint, nous faire part de son inquiétude.
Puis, Eugène arrivera en courant, essoufflé et racontera ce qui s'était passé : alors qu'il venait de vider le tonneau d'eau, il s'apprêtait à repartir, vers la fontaine de la Boissière, accompagné d'un Allemand en arme, (souvent âgé). C'est alors que surgissent les avions, mitraillant le camp. Le cheval prit peur, s'enfuit au galop avec la charrette. Eugène, voyant que son cheval s'échappait, voulut tenter de courir après, mais l'Allemand, le saisissant par le bras, l'obligea à se coucher dans le fossé de la route. Geste qui dut lui sauver la vie. Lorsqu'il rentrera, à travers landes et chemins creux, (en ce temps-là, les Epinais n'avait pas de route d'accès), il trouvera tout le long du chemin : charrette avec brancards cassés et harnais disperses. Le cheval, dans sa fuite, avait bien retrouvé, sans se tromper le chemin de la ferme et Eugène bien content de le retrouver, car, dans le danger il avait d'abord pensé à son cheval, avant lui ".
Témoignage de Maria LEBE-BOUCARD |
"Nous étions, mon père et moi, à dormir auprès de la meule de paille comme cela se faisait beaucoup à cette époque. Le matin, nous étions très matinaux, disons quatre heures solaires et le soir dix heures, surtout quand c'était l'époque du foin ou de couper le grain, comme c'était le cas ce jour-là. Nous avons été réveillés par des détonations, nous nous sommes relevés, un immense nuage de fumée s'élevait du camp. Nous avons pensé que le camp sautait, nous sommes montés à la route et là ou a aperçu des chevaux attachés à un sapin, qui avaient l'air très très agités. Mon père dit " on vit aller les chercher ". Après s'être approché d'eux, ils étaient tout près des garages, nous les avons reconnus, ils n'étaient plus que deux, un avait réussi a s'échapper. C'était les chevaux du Logis et de la Violais, la famille Morand. Nous les avons détachés, mais nous avons pu nous rendre compte que les chevaux avaient tellement eu peur et tiré pour s'enfuir que les lèvres de leurs mâchoires étaient à sang. Cela mettra plus de quinze jours à se cicatriser. Je les ai reconduits en passant par chez nous (Trébriand) pour contourner le camp. Henri Morand était très content. 11 avait parait-il piqué une grosse colère lorsque les Allemands étaient venus lui prendre ses chevaux".
Pour moi le camp a été ouvert en 1943. Le 18 Avril 1943. Ma sur Maria est marraine de chez Pierre Guillard de la Frosnolais pour leur fils Pierre. Alors qu'elle se prépare pour aller à la cérémonie, arrive un camion avec des soldats allemands et nous disent qu'ils vont prendre de la terre. Environ un mois plus tard, arrivent les entreprises qui vont construire le camp, l'entreprise "La Parisienne" côté St-Péran et "Epler" sur le côté Monterfil ". Témoignage de François BOUCARD, né en 1924. Il travaillait à Trébriand chez ses parents au moment des faits. |
"Pour le premier mitraillage au mois de mars 1944, il n'y avait, selon moi, qu'un avion. Il y aurait eu trois morts. Le pylône, côté Est était visé. L'avion a été précis, des douilles sont tombées sur la lande des Epinais. Un sourd et muet qui travaillait sur le camp et logeait chez nous à Haute-Lande, eu a ramassées deux en venant manger le midi. Quant à l'escadrille d'une centaine d'avions qui est passée en rase-motte, c'était fin avril, début mai pour moi. Ils étaient sur plusieurs files entre la vallée de l'Etunel-Gué-Charet et la Morandais, les Allemands tiraient avec tout ce qu'ils avaient, mais les avions eux, n'ont pas tiré ".
Pierre LEFEUVRE , La Perrière-Cholet |
"En 1941, j'étais allé travailler chez mon beau frère à Châteauroux, je fus convoqué pour une visite médicale et je devais partir pour l'Allemagne dans les quarante-huit heures. Voyant cela je suis revenu à Montertil, où j'ai travaillé dans les fermes, mais ça ne me plaisait pas beaucoup. Un jour au café Béda, il y avait des gars là qui buvaient un coup, ils travaillaient sur le camp, sans doute un responsable de la société "La Parisienne", je lui ai expliqué mon cas, j'étais réfractaire. Normalement j'aurais dû être en Allemagne et passible de représailles. Il me dit "ne te tracasse pas un vu arranger ça". Ils m'ont embauché sous un faux nom, je n'ai plus été embêté. A Châteauroux, ma sur a reçu la visite des gendarmes qui s'inquiétaient de ma disparition et leur dit que j'avais quitté la région, "bon ça nous regarde plus maintenant" ont-ils dit. Le gros de mon travail, c'était de creuser des abris ou de faire des talus autour des baraquements. La société avait embauché des gars venus d'autres régions, des réfugiés, des réfractaires, il y avait même des Parisiens. On se la coulait douce, les Allemands disaient " petits Français pas courageux". Ma dernière paye, je suis allé la chercher à Laval en vélo car la société avait des bureaux là bas, c'était quelques jours avant l'arrivée des Américains. Les Allemands depuis le mitraillage du 7 juillet commencent à déménager avec des camions, tous les jours, destination inconnue, ça sont le brûlé pour eux. Les femmes de l'armée allemande, une trentaine pour moi, sont toutes parties de nuit dans les jours qui ont suivi. Ils ont ou beaucoup de tués, combien ? C'était secret. Ils n'auront été là que quatre, cinq mois pas plus. Ce sont les baraquements des femmes et des cuisines-réfectoires qui ont été touchés. Moi je suis en train de manger ma gamelle devant les garages, nous sommes à moins de 50 mètres. On n'aura pas un seul projectile. Ils out vraiment été précis, même les gonios, les antennes et les radars n'ont pas été touchés. Les Allemands nous ont dit de partir. Nous sommes restés plusieurs jours sans revenir. Après l'arrivée des Américains, j'ai été embauché pour récupérer les baraques qui n'avaient pas sauté, au moins quatre, pour les remonter à Montfort et reloger les gens victimes des bombardements. Ces baraquements étaient livrés en panneaux double paroi avec isolation laine de verre, posés sur pilotis en bois enfoncés en terre.
Témoignage de Georges PATTIER, (Bel Air) né en 1922 à Monterfil. |
" Pour le travail sur le camp, nous étions réquisitionnés, certains y allaient d'eux mêmes pour gagner quelques sous. C'est la mairie qui était chargée d'organiser les réquisitions. Certains y allaient comme manuvres faire des terrassements, abris, camouflages, et calfeutrages des baraques. Les agriculteurs avec leurs chevaux pour le transport de la terre des plisses d'herbe pour les camouflages des abris. Les Allemands cultivent la terre qui trouve à l'intérieur du camp. I1 fallait aussi aller chercher de l'eau à la Boissière avec des tonneaux et des fûts, le tour revenait tous les 10-13 jours environ. Le jour du débarquement personne n'est allé travailler sur le camp. Les Allemands sont venus à la mairie et ont exigé du maire de faire prévenir les gens de venir travailler".
Témoignage de Pierre BOUCARD, né en 1924. Il travaillait au moment des faits chez ses parents, aux Couettes. |
"Le camp a été commencé on 1943 au mois de juin, j'étais chez mes parents quand ils sont arrivés. Ils nous ont pris 3 hectares de terre et de lande aussi. J'ai comme beaucoup de gens à cette époque été réquisitionné pour travailler, mais j'étais manuvre, mon frère Henri y allait avec les chevaux. C'était la mairie d'Iffendic qui nous convoquait, je ne peux pas dire qu'ils nous ont causé des problèmes particulier, (le temps en temps, ils passaient pour voir s'il n'y avait pas de marchandise à vendre".
Témoignage d'André RENAULT, La Russottais, né en 19 au Pâtis, en Iffendic. |
"Le 7 juillet, le camp des Chênes Froids était attaqué par l'aviation anglaise, à midi (heure allemande), quelques minutes trop tôt, soldats et officiers n'étaient pas encore à table. La D.C.A. fut neutralisée immédiatement et les baraquements cuisines-réfectoires en particulier furent touchés. Des civils français, surtout des femmes aux cuisines furent blessés et deux tués dont Solange Brissot, 17 ans, du bourg. On n'a jamais su combien d'Allemands furent tués, mais de nombreuses ambulances évacuaient morts et blessés. (Un mort, l'Obergefreiter Karl Brandenstein, mort de ses blessures, registre du cimetière de l'Est à Rennes, inhumé au cimetière des hautes Ourmes). Joseph Thomas de la Chicane, qui conduisait le corbillard, dût aller à Rennes avec le cheval chercher le cercueil de la victime et eut mille difficultés pour revenir. Fin juillet, Radio Londres nous annonçait la percée d'Avranches, taudis que l'on voyait passer (les troupes allemandes avec attelages de chevaux vélos volés, la débandade. Ce n'était plus les blindés de juin 40 ! Au pays, les gens camouflaient leurs vélos, car ils s'emparaient de tout ce qu'ils trouvaient. Le 3 août, en début d'après-midi, les Allemands faisaient sauter les installations du camp et certains bâtiments, et s'en allaient par la vallée de l'Etunel. Dommage que lu résistance se soit manifestée un peu tard. Cela aurait été l'occasion de neutraliser celle troupe en fuite.
Dans le bourg, ou attendait l'arrivée des Américains, mais ceux-ci passèrent par la route Montfort-Plélan aux Quatre Routes"
Témoignage de Henri LEBORGNE, (8 ans en 1939). |
"Le 7 juillet 1944, il y eut un fort bombardement et dans le bourg, on s'est aperçu tout de suite qu'il y avait des évènements qui n'étaient passés sur le camp. J'ai pris mon vélo et puis je suis parti vers le camp. Je me souviens très bien, qu'en cours de route, un peu avant d'arriver, peut-être à 7 - 800 mètres, entre chez Léon Morand et l'entrée du camp, un avion est certainement passé ; je suis descendu de vélo et je me suis jeté dans le fossé, me protégeant du mitraillage qui était en train de se faire sur le camp. Après, je repris mon vélo et je me suis présenté à l'entrée du camp. Voyant un prêtre en soutane, ils m'ont laissé passer. J'ai dit que je venais voir s'il y avait des Français qui étaient blessés, et on m'a conduit tout de suite au baraquement où se trouvait une demoiselle, Solange Brissot qui avait au la jambe pratiquement arrachée sous le mitraillage. Je suis resté quelques minutes avec elle. J'ai ensuite demandé aux Allemands s'il y avait d'autres blessés français que je pouvais voir, ou m'a dit "non" et je suis reparti".
Jean DETOC, Vicaire-instituteur à Monterfil au moment des faits. |
"Né en 1918, à Paris (16 ème un mère était morte quand j'étais jeune. J'ai été élevé à Tréffendel dans de la famille faisant partie du bureau de recrutement de la Seine, je suis incorporé le1 er septembre 1938, au Génie à Strasbourg. Le ler septembre 1939, veille de la déclaration de guerre, je revenais d'un stage de 4 mois à l'école du Génie à Satory, actuellement dans les Yvelines. Je suis parti au dépôt de Guerre du Génie à Epinal. J'y suis resté quelques semaines. Ensuite je suis parti dans le secteur de Visseinbourg, dans le Bas-Rhin. Comme j'avais mon brevet de spécialiste des appareils techniques et électriques, on me donna la responsabilité d'un petit groupe de la 222 ème compagnie de dépannage et de réparation sur la ligne Maginot. Quand il y n eu la débâcle ceux qui étaient à l'intérieur des fortifications ont été faits prisonniers, mais mon groupe a pu s'enfuir en camion. Nous nous sommes retrouvés dans la région du Larzac (Aveyron). De là je suis allé à Montpellier où j'ai été affecté à la compagnie de DCA. Ce n'était pas mon truc mais c'était comme ça. Enfin j'ai été démobilisé à Lunel, dans l'Hérault. Je suis revenu à Rennes travailler cher "Bernard" rue Vanneau. Deux mois après voilà les Allemands. Ils veulent me repiquer. Nous étions 40 à l'atelier, ils en voulaient 5. J'étais un des derniers arrivés et pas de famille. J'étais bon pour le voyage. Je demande mon compte en douce, je veux repasser la ligne de démarcation. Sur la Garonne, le passeur avait été piqué la veille, c'était un jardinier, j'avais besoin de travailler, plus un rond. Je connaissais quelqu'un à Bordeaux, j'ai pu me faire embaucher et obtenir de vrais faux papiers, mais les Allemands veulent me repiquer. Je reviens alors dans la région, mais pas en ville, je me sens plus en sécurité en campagne. C'est en 1942 Jérôme Gesvret avait besoin de quelqu'un pour monter des gazogènes. J'en ai montés dans les fermes à plusieurs endroits pour les battages, à Monterfil notamment. J'y suis resté pendant quatre mois. Un jour Monsieur Durocher cherche quelqu'un, il était garagiste à Bréal et il avait il, contrat avec la Poste pour le transport des colis. Il m'a embauché, c'est lui qui m'a fait rencontrer la résistance, il était dans le Groupe du docteur Dordain de Mordelles. J'avais dit au docteur que je n'avais plus de parents, ni frère, ni sur, que j'étais seul. Il ne fallait pas qu'il se gêne. Au cas où j'aurais été pris, les Allemands ne pourraient pas se venger sur la famille, car des fois, c'est ce qu'ils faisaient.
Les Anglais étaient pressés
Le docteur m'avait déjà confié quelques missions. Comme ça, un jour il me dit : "Les Anglais ont besoin d'un plan précis avec photos du camp des Chênes-Froids". Les Anglais s'étaient aperçus d'une chose : quand ils venaient pour bombarder la base sous-marine de St-Nazaire qui était en construction, chaque fois qu'ils franchissaient la Manche la DCA et l'aviation les attendaient. Or ils se sont aperçus que c'étaient les radars installés à Monterfil qui les détectaient. Dans un premier temps, ils avaient, pensé avoir tut espion dans leurs rangs. Ils ne voulaient pas que les Allemands s'installant sur l'Atlantique sinon ils auraient été les maitres de tout l'Ouest. Ils ont dit être très pressés car tous les jours ils avaient des gars qui se faisaient descendre. Comme une centaine de personnes y travaillaient souvent, des gens réquisitionnés ils pensaient qu'il fallait être précis dans l'attaque aérienne. Bien sûr ils avaient la possibilité de bombarder à 3 000 mètres mais cela pouvait être meurtrier. Avec un plan ils viendraient en rase-mottes et ils déposeraient leurs bombes où il faudrait. Le docteur Dordain me demanda de remplir cette mission "Tu connais bien le coin et les gens", m'avait-il dit. On se donne rendez-vous à Tréffendel et comme Jérôme Gesnet connaissait bien le secteur, je lui ai demandé de venir avec nous, avec la traction du docteur. Nous sommes partis de Monterfil direction St. Péran pour traverser le camp comme de paisibles promeneurs. Au début on passait sans trop de difficulté. Tout en roulant, comme nous traversions le camp, le docteur me disait, tu vois les baraques, les radars, les pièces de DCA et autres objectifs ? Tu prends ton vélo, tu comptes le nombre de tours de pédales, tu mesures la longueur d'un coup de pédale et tu auras la distance entre objectif ". Mais Jérôme nous dit : "Il y a un truc mieux que cela". Il connaissait le Père Gernigon, dit le Père-la-pipe, garde-chasse à Monterfil. Je le connaissais un peu, j'avais réparé sa voiture. Mais Jérôme dit qu'on pouvait lui faire confiance. C'était un ancien militaire. Adjudant je crois. Il lui donne rendez-vous un dimanche matin après la messe, comme il avait accès a la mairie il pourra nous décalquer un plan précis du camp, avec la disposition des objectifs. Après discussion il accepte et dès qu'il sera prêt il fera signe.
"Je mets le plan dans le tube de mon vélo"
Entre temps, je dois prendre les photos des radars et des antennes. Je m'y rends par le Gue-Charret et je laisse mon vélo cher André Pellerin mais comme il faut toujours avoir un prétexte en cas de problème, je prends mon sac à outils et fais celui qui va en dépannage à la ferme de Trébriand chez les époux Boucard François. Je connaissais, il y avait un moteur "Bernard" là-dedans. Je camoufle mon appareil photo dans le sac de sorte que je puis photographier sans montrer l'appareil. J'arrive le long du barbelé non loin du radar, celui qui était à l'ouest. Là personne en vue, photo vite fait, je m'approche de Trébriand pour prendre la grande antenne de 6 mètres de haut, sur son socle en béton. Elle tourne et met une minute quarante secondes à faire son tour. Mais là, une sentinelle. Je fais celui qui allait vers la ferme et il me vient une idée. Je fais celui qui a une envie pressante, J'ignore la sentinelle qui voyant cela tourne la tête, vite fait la photo, et je continue mon chemin. Les Anglais étaient, parait-il, très pressés. Dès le soi-même, l'abbé Jacob vicaire à Tréffendel développait la pellicule. Le matin, je mets le tout dans une petits boite, je la porte chez le docteur Dordain qui n'en revenait pas que c'était déjà fait. Mais je n'avais pas le plan. Le père Gennigon devait me le remettre. Le samedi qui suivait, il m'attendait sur la route du Verger au sortir du bourg de Monterfil, à l'entrée d'une barrière " Probablement à l'entrée des lagunes maintenant". Notre entrevue a été brève. Il me remet le plan, je le mets dans le tube du vélo sous la selle, mais avant de le remettre au docteur, je le décalque pour en avoir un double à la maison et que je camoufle dans une vieille voiture. Mais un jour, des enfants du voisinage, en s'amusant, tombent sur le document. Heureusement que mon cousin les a vus et comme il était au courant, il a vite ramassé le précieux document et cette fois je l'ai mis en lieu sûr. Après la guerre, je l'avais mis dans mon sous-sol à Rennes. Mais lors des inondations de 1967, l'eau est montée jusqu'au soupirail et tout a été détruit ce fut une grosse perte pour moi, ce plan me rappelait des souvenirs que j'ai vécus intensément. Les documents étaient tenus par le Docteur Dordain au réseau du colonel REMY qui se chargeait de les expédier en Angleterre Comment ? C'était secret niais ça été fait rapidement.
Je me suis longtemps demandé pourquoi les Anglais n'avaient pas mis leur plan à exécution et attendu le mois de juillet 1944. J'en ai déduit qu'ils avaient trouvé entre temps un système de brouillage (les ondes avec les petites bandes d'aluminium qu'ils larguaient de leurs avions et que l'on retrouvait dans la campagne. C'est du moins l'opinion que je me suis faite.
La fin tragique du réseau du docteur Dordain.
J'ai par la suite eu d'autres missions dont une qui résidait en la remise d'un message au général Allard à Messac. J'y suis arrivé le matin en vélo, le message dans le tube. Si j'étais parti la veille au soir, comme me l'avait demandé le docteur Dordain, je serais arrivé alors que la maison était cernée. Lorsque, je suis arrivé, la gouvernante qui m'a reçu était très décontenancée. Elle m'apprit que la Gestapo était passée la veille et avait arrêté Madame Allard et sa belle fille ; Monsieur Allard n'étant pas là. La gouvernante était restée avec les enfants, avec l'interdiction de sortir pendant 48 heures.
J'ai eu beaucoup de chance à cette époque. Cela faisait en effet 8 jours que je venais de recevoir de nouveaux vrais-faux papiers faits par un vrai pro... qui travaillait à la préfecture, lorsque la Gestapo a démantelé le réseau de Mordelles et qu'elle a arrêté Monsieur Durocher.
Leur PC de transmission clandestin était tout près de la gare du "petit train" de Mordelles, situé dans une baraque en bois cachée dans les jardins. Je dédie ces ligues à la mémoire de ceux qui m'ont aidé dans ma maison à Monterfil : Jérôme Gesvret mécanique agricole Tréffendel, l'Abbé Jacob Vicaire à Tréffendel et le père Gernigon garde-chasse à Monterfil.
Voici un extrait du livre du colonel REMY ("Une affaire de trahison". Editions Raoul Solar) : "Le jeudi 16 décembre I 943 à Mordelles le docteur Pierre Dordain dit "le cerf" chef du secteur CND (Confrérie None Dame) de Rennes est arrêté par la Gestapo. Ses deux fils qui faisaient partie d'un réseau "Action" avaient été arrêtés dix jours plus tôt. Son adjoint, Théodore Josse, a été arrêté un peu avant lui. Le samedi 18 décembre à Mordelles les collaborateurs du docteur Dordain, Jean-Louis Persais, Hervé Vandernoot, Marcel Evrard Édouard Durocher sont arrêtés à leur tour un peu avant l'aube. Dans la nuit à la prison Jacques Cartier de Rennes, le Docteur Dordain est mort dans les conditions les plus suspectes après une séance de torture". Fin de citation.
A la libération j'ai rejoint le camp des FFI à Rennes. Puis nous avons été regroupés au camp de Coëtquidan pour former le 1er bataillon du 41 ème Régiment d'infanterie. Au mois de décembre 1944 on nous a envoyés sur la rivière d'Etel près de Lorient. Les Allemands étaient retranchés d'un côté et nous, nous les empêchions de rejoindre d'autres unités qu'ils avaient plus loin. Nous sommes restes là jusqu'à la capitulation de l'Allemagne le 8 mai 1945. Au mois de juin j'ai été libéré à Châteauroux pour la 2ème fois. J'ai donc fait un an de rabe, mais c'était pour la bonne cause, et la j'ai repris ce qui m'a toujours passionné la mécanique auto. Jean Macé IRODOUER |